Libre échangisme et protectionnisme

  

 Historique

Antiquité - Rome et Carthage (guerres puniques) protégeaient leurs économies de la concurrence extérieure.

Moyen Age - époque très autarcique, de grandes foires protégées périodiques.

Renaissance - Les Etats nationaux naissants favorisent l’émergence d’espaces économiques unifiés qu’ils protégent de l’étranger tout en cherchant à les étendre (grandes conquêtes). Eclatement des protections intérieures des corps intermédiaires et transfert à l’Etat.            Suppression des droits et barrières intérieures, développement d’un protectionnisme national. Unification des marchés locaux et déréglementation en France avec Colbert et Turgot, puis avec la révolution de 1789.

L’internationalisation des échanges devient une réalité soutenue par les physiocrates puis le libéralisme naissant, et les inventions du XIXe siècle, du chemin de fer au téléphone.

Périodiquement, les Etats ferment leurs frontières afin de protéger des secteurs économiques exposés. Ce fut le cas des Etats-Unis et de l’Allemagne lors de leur révolution industrielle.

 

Variation des droits de douane sur les articles manufacturés de 1820 à 1990

(moyennes pondérées en pourcentage de la valeur)

 

Allemagne

France

Pays Bas

Royaume Uni

Etats-Unis

1820

8-12

*

6-8

45-55

35-45

1875

4-6

12-15

3-5

0

40-50

1913

13

20

4

0

44

1925

20

21

6

5

37

1931

21

30

-

-

48

1950

26

18

11

23

14

1980

8,3

8,3

8,3

8,3

7

1990

5,9

5,9

5,9

5,9

4,8

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

*: situation non significative marquée par des restrictions à l’importation

Source : Le Monde du 26 mai 1998

 

A la veille de 1914, les échanges internationaux sont beaucoup plus libres qu’ils ne l’avaient été et qu’ils ne le seront au 1er janvier 1970.  Les monnaies sont librement convertibles en or et cette convertibilité même assure l’existence d’une monnaie commune.

 

La réorganisation du commerce international.

Après 1945, le Plan américain du général Marshall et l’’(OECE) - future Organisation de coopération et de Développement Economique OCDE, en 1961- combattent les tentatives de protectionnisme et favorisent les échanges internationaux..

Les accords de Bretton Woods (1944) instaurent le nouvel ordre monétaire du Système Monétaire International (SMI) conformément à la volonté américaine de libération ders paiements. Ils proscrivent nommément les manipulations « schachtiennes »  [1], et posent le principe de la convertibilité des monnaies autour de la valeur conventionnelle de 35 dollars l’once d’or.

Le GATT, Accord Général sur les tarifs douaniers et le commerce,  réorganise le commerce international.. Le GATT, (OMC aujourd’hui) repose sur le principe de non discrimination commerciale. Mais ce principe n’a cependant pas interdit la formation de l’entente douanière de la Communauté économique européenne (CEE) au titre de l’exception.

 

En acceptant que la monnaie nationale des Etats-Unis, le dollar, devienne la monnaie internationale, les accords de Bretton Woods admettaient que la balance des paiements américaine soit déficitaire.

Pour relancer l’économie, les Etats-Unis devaient acheter au reste du monde plus qu’ils ne leur vendaient, donc réduire peu à peu leur stock d’or.

Résultat : Les réserves aurifères des Etats-Unis qui s’élevaient à 80 % du stock d’or total des Banques centrales, (24,5 milliards de dollars), lors des accords de Bretton Woods, se réduisirent à  59 % en 1958, 31 % en 1961 pour n’atteindre que 26 % en 1973 [2].

En 1960, les avoirs étrangers en dollars, privés et officiels, dépassaient en valeur le stock d’or des Etats Unis.

Mais si les déficits extérieurs de tous les pays du monde se soldent par une détérioration du change de leur monnaie, les déficits de la balance des paiements américaine ne pouvaient pas altérer pas la valeur du dollar, puisque dans le système des changes fixes de Bretton Woods une valeur conventionnelle de 0,0285 once d’or lui fut donnée (soit 35 dollars l’once).

Ainsi, les Etats-Unis avaient sur tous les pays l’immense privilège de pouvoir faire payer leur dette extérieure par le reste du monde.

 

Cette prérogative exorbitante fut dénoncée par le général de Gaulle dans une conférence de presse, le 4 février 1965. Je cite :

« Le fait que de nombreux Etats acceptent, par principe, des dollars au même titre que de l’or pour compenser, le cas échéant, les déficits que représente, à leur profit, la balance américaine des paiements amène les Etats-Unis à s’endetter gratuitement vis à vis de l’étranger. En effet, ce qu’ils lui doivent, ils le lui paient, tout au moins en partie, avec des dollars qu’il ne tient qu’à eux d’émettre, au lieu de les leur payer totalement avec de l’or, dont  la valeur est réelle, qu’on ne possède que pour l’avoir gagné et qu’on ne peut transférer à d’autres sans risque et sans sacrifice. Cette facilité unilatérale qui est attribuée à l’Amérique contribue à faire s’estomper l’idée que le dollar est un signe impartial et international des échanges, alors qu’il est un moyen de crédit approprié à un Etat ».

 

 

    

 

Soldes de la Balance des paiements des Etats-Unis en milliards de dollars

 

Balance commerciale

Capitaux à long terme

Balance de base

Capitaux à court terme

Solde Global

1947-1949

+22,3

- 19,4

+ 2,9

+ 2,9

+ 5,8

1950-1957

+ 17,8

- 30,2

- 12,4

- 2,3

- 10,1

1958-1967

+ 40,1

- 61,5

- 21,4

- 3,8

- 25,2

1968-1973

+ 2,2

- 27,9

- 25,7

- 54,2

- 79,9

1947-1973

+ 82,4

- 13,9

- 56,6

- 52,8

- 1094

Source : J. Carrière, L’or jaune et l’or noir, (Seuil 1976)

 

La fin du régime des changes fixes et l’ineptie d’une libération des échanges dans un contexte de changes flottants.

De 1940 à 1955, la balance commerciale américaine fut excédentaire d’environ 80.000 millions de dollars et de 1955 à 1970 de 40 000 millions de dollars.

La diminution de ces excédents commerciaux, d’abord lente, s’accéléra pour s’inverser, et en 1971, pour la première fois depuis 1893, la balance commerciale américaine fut déficitaire.

Richard Nixon décida le 15 août 1971 l’inconvertibilité du dollar.

Malgré l’opposition de quelques pays dont la France, l’or fut démonétisé du seul fait de la volonté des Etats-Unis qui rompit la parité du dollar et de l’or et mit fin au régime de changes fixes.

 

Avec le passage aux changes flottants, en 1973, et leur institutionnalisation (accords de la Jamaïque), en 1976, de nouvelles parités des devises furent  constituées. C’est dans ce contexte de changes flottants que l’intensification de la libération des changes fut poursuivie par les instances internationales.

Cependant, dans un régime de changes flottants, le prix d’un produit d’un pays étranger dépend, en grande partie, du cours de sa monnaie. Il ne peut donc y avoir de véritable concurrence entre les producteurs quand le prix de leurs produits est exprimé dans une devise dont le cours peut varier du simple au double en quelques années, comme ce fut le cas entre 1981 et 1992 entre le dollar et le Deutsche mark [3].

En France, la balance commerciale fut déficitaire jusqu’en 1982, mais redevient excédentaire après 1984, essentiellement en raison de la baisse du cours du dollar, influençant et accroissant la baisse des prix pétroliers et des matières premières.

 

Balance commerciale française  de 1974 à 2000 

 

Importations 1

Exportations 2

Solde

Années     

en mds. F

 % PIB

en mds. F.

%  PIB

en mds. F.

% PIB

1974

250,14

21,59

217,18

18,75

- 32,98

2,84

1980

638,8

    -

604,4

    -

- 34,4

   -

1986

1027,9

20,49

1080,5

21,54

+ 52,6

1,04

1990

1469,8

   -

1468,0

    -

- 1,8

    -

2000

2198,7

23,85

2147,6

23,30

- 51,7

- 0,55

2000 3

335,2

 

327,4

 

- 7,8

 

1 : La valeur des importations est calculée en douanes Franco à Bord  ou « FAB » (Free on Board, FOB).

2 : La valeur des exportations est calculée en douanes incluant les Coût, Assurances, Fret ou » CAF ».

3 : en milliards d’euros.

(source : TEFs INSEE.)

 

 

Libération des échanges et chute des emplois.

L’une des conséquences de la libération des échanges fut le développement du commerce extérieur (d’environ 10 % du PIB vers 1950 à 25 % en 2000).

Nous distinguerons 4 périodes :

Première période : de 1949 jusqu’au Traité de Rome, en 1957. Période de protectionnisme modéré avec un taux de 20 % de droits de douane.

Deuxième période : 1958 au Kennedy Round en 1967. Le droits de douane baissent progressivement Troisième période : de 1968 à 1979. Les droits de douane intra-communautaires disparaissent alors que le Tarif Extérieur Commun (TEC) est porté au taux de 8,5 % jusqu’à la négociation de Tokyo.

Quatrième période : Elle s’ouvre en 1980, avec une moyenne des droits de douane de à 5 %.

 

Commerce extérieur, croissance et droits de douane de 1949 à 1992

 

1949-57

1957-67

1967-80

1980-92

Taux de croissance du PIB en %

5,35

5,47

3,3

1,9

Taux de chômage

1,2

2,2

6,3

12

Import. + Export. en %  PIB

21,8

23,1

43,1

44,3

Droits de douane

20 %

15 %

  8,5 %

5 %

(d’après « Les frontières ou le chômage «, Pierre Milloz, Ed. Nationales 1995.)

 

La libération des échanges :

- exige une grande spécialisation de l’économie nationale,

- s’accompagne d’une déflation interne des prix (pression concurrentielle),

- doit s’adapter à la variabilité des taux de change depuis 1971,

- influence souvent le volume des emplois à la baisse.

Pourtant, il est admis que les exportations créent de la richesse et des emplois. Ceci est vrai dans des économies dont les progrès de productivité sont quasiment nulles ou dans lesquels les déversements d’emploi d’un secteur à l’autre sont immédiats. Il est faux ailleurs. Exemples :

 

§         Hypothèse d’économies ouvertes sans grande progression de la productivité :

Une branche occupait 10.000 emplois pour une production de 1,5 milliard de francs. Un emploi y produisait en moyenne 150.000 francs.

Cette branche exportait pour 450 millions de francs et importait pour 600 millions de francs, sa balance commerciale était déficitaire de 150 millions.

Conclusion : La suppression de ce déficit permettrait d’occuper 1000 emplois supplémentaires.

Il faut développer les exportations.

 

§         Hypothèse d’économies ouvertes avec progression de la productivité 

La branche occupe à présent 5.000 emplois pour une production de deux milliards de francs. Un emploi produit en moyenne 400.000 francs.

Elle exporte dorénavant 900 millions mais importe toujours 600 millions. 45 % de ses effectifs travaillent désormais pour l’exportation.

Son excédent commercial de 300 millions lui permet de créer 750 emplois supplémentaires. Mais pendant cette même période, la productivité exacerbée par la concurrence mondiale a fait perdre à cette branche 5.000 emplois [4] .

 

Le cas d’une branche de production

 

Croissance nulle de la productivité

Croissance forte de la productivité

Emplois

             10.000

                  5000

Production

  1.500.000.000 frs.

    2.000.000.000 frs.

Valeur ajoutée/emploi

           150.000 frs.

             400.000 frs.

Exportation

           450.000 frs.

             900.000 frs.

Importation

           600.000 frs.

             600.000 frs.

Balance commerciale

       +  150.000 frs.  

          + 300.000 frs.  

 

La lecture des « Emplois et commerce extérieur sur 15 ans de 1977 à 1992 » valide cette perspective en confrontant l’évolution de la balance des emplois, c’est-à-dire des emplois subordonnés à la balance commerciale, à celle de l’ensemble des emplois pour les trois grands secteurs d’activité économique de l’agriculture, de l’industrie et des services.

A l’issue de cette période de 15 ans, les balances commerciales de l’agriculture, de l’industrie et des services, excédentaires de 77,5 milliards de francs, furent créatrices de 90.000 emplois, mais la productivité que la concurrence internationale exigea de ces secteurs leur fit perdre en définitive 891.000 emplois.

 

Emplois et commerce extérieur sur 15 ans de 1977 à 1992

 

Agriculture

Industrie

Services

Total

Balance commerciale (en Mds. F)

+ 29,7

+ 42, 1

+ 5,7

+ 77,5

Exportations multipliées par

x 2,6

x 2,2

x 2,1

-

Importations multipliées par

x 1,1

x 1,7

x 3,4 *

-

Balance des emplois

+ 60.000

+ 20.000

+ 10.000

+ 90.000

Importations + Exportations

Ensemble  des Valeurs Ajoutées

de 52,8 %

à 65,4 %

de 132 %

à 207 %

de 21,5 %

à 19,3 %

-

Ensemble des Effectifs

- 863.700

- 225.300

+ 197.700

- 891.000

* : non significatifs compte tenu de la faiblesse des échanges extérieurs.

(source : « Les frontières ou le chômage », Pierre Milloz, Ed. Nationales 1995. )

********

 

Les solutions protectionnistes classiques comme le libre échange ne sont des solutions ni humaines ni sociales. Les unes paralysent le progrès technique, engendrent des haines, les autres font disparaître des activités locales. L’acceptation de la concurrence positive doit donc être contrebalancée par la prise en considération des intérêts particuliers, locaux,  sociétaux et organiques.

Il convient de rechercher des solutions alternatives.

 

Distinguer concurrence positive et concurrence négative.

Il est peut-être quelquefois possible de distinguer la concurrence positive qui permet de faire profiter les résidents d’un meilleur rapport qualité/prix de la concurrence négative qui déstructure et sacrifie des activités, sans doute, non compétitives, mais qui répondent à une vocation locale ou à une demande domestique et sociétale, comme l’agriculture, l’artisanat local [5].

 

Le protectionnisme éducateur.

Chaque peuple bénéficie d’un cycle de développement économique propre, schématiquement présenté en cinq phases, primitive, pastorale, agricole, manufacturier et commercial.

Friedrich List développa la théorie du « protectionnisme éducateur ». Je cite  :

Une « nation en arrière, par un destin fâcheux, sous le rapport de l’industrie, du commerce et de la navigation et qui, par ailleurs, possède les ressources matérielles et morales nécessaires pour son développement, doit, avant tout exercer ses forces afin de se rendre capable de soutenir la lutte avec les pays qui l’ont devancée » [6]. Il s’agit de se protéger pour se remettre à niveau, pour se développer.

Ce protectionnisme éducateur est, par essence, temporaire et ne se justifie que pour permettre aux nations peu développées de combler leur retard.

Il doit tendre, selon List, à l’émergence d’un lien fédéral, d’un système continental. Je cite :

« L’unité des nations sous une règle commune de droit, c’est là un objectif qui  ne peut être atteint que par la plus grande égalisation possible des niveaux de culture, de civilisation, de bien-être, de l’industrie, des nations les plus importantes de la terre », afin d’autoriser des échanges commerciaux harmonieux. »

 

La mutualité sociale.

Autre théorie apparentée : la mutualité sociale de P.J. Proudhon dont l’objectif était d’équilibrer, afin de les annuler, les inconvénients et les avantages du libre échange.

Thèse : Le libre échange peut entraîner la concurrence,  permettre de réduire les prix et de diversifier l’offre suscitée par les échanges extérieurs, engendrer une demande supplémentaire, et in fine favoriser la croissance économique.

Mais si les produits importés sont moins chers que les produits nationaux, les ouvriers devront toujours, pour conserver leur travail en face de la concurrence étrangère, subir de nouvelles réductions de salaire[7].

L’idée de mutualité commerciale s’opposa donc :

d’une part,  à la pratique du dumping classique, d’autre part, au protectionnisme tarifaire.

La mutualité sociale consiste  à taxer les exportations afin d’en remettre la valeur aux producteurs du pays importateur de sorte que les avantages de l’un viennent compenser les inconvénients de l’autre.

Il convient d’identifier et de quantifier les rentes de situation différentielles, spécifiques à chaque pays, er de les répartir entre le pays exportateur et le pays importateur afin d’équilibrer les conditions de l’échange dans un ordre de mutualité commerciale.

Un impôt financé par les fournisseurs exportateurs vient compenser aux producteurs résidents des mêmes biens l’avantage issu de la rente de situation dont ils bénéficient.

 

Exemple :

1e - Si un pays produit une quantité de blé en un jour de travail alors qu’un second pays produit la même quantité de blé en deux jours de travail, le premier bénéficie à l’exportation  d’une rente de situation sur le second égale à un jour de travail.

2e - En application d’un accord de mutualité commerciale, un impôt de compensation viendrait répartir cette rente sur les deux pays. Le premier taxera son blé à l’exportation pour qu’il passe de 1 à 1,5 jours de travail, et cette taxe sera versée au second.

3e - Le pays importateur pourra ainsi baisser le prix de son blé sur le marché national  de 2 à 1,5 jours de travail  et en compenser la différence par la taxe perçue [8].

 

Proudhon considérait cependant que ces droits de compensation ne pouvaient être collectés et redistribués par l’Etat qui, en l’occurrence, s’octroierait des ressources qui ne lui reviennent pas.

L’Etat-nation n’a pas la compétence requise pour garantir la mutualité commerciale qui découle des entreprises et des corporations. Ces droits, exigés par l’Etat,  manqueraient de justice et imposeraient des tarifs plus proches de l’extorsion que de la compensation. Ainsi, leur gestion et leur administration ne pouvaient revenir, selon Proudhon, qu’à l’autorité des chambres du commerce [9]

 

Une chambre de compensation internationale pour recycler les excédents financiers.

Récemment, dans le cadre d’une politique post keynésienne de coopération internationale, P. Davidson proposa d’utiliser les excédents commerciaux des pays créditeurs à l'achat de marchandises, ou à l’investissement dans des pays débiteurs. Il suggère [10] la création d’une chambre de compensation internationale qui gérerait une monnaie de réserve appelée IMCU (International Money Clearing Unit) détenue par chaque Banque centrale, (ce qui n’est pas sans rappeler le bancor de Keynes).

Les Banques centrales obtiendraient des IMCUs en échange de leurs propres monnaies, à hauteur de leurs déséquilibres.

Monnaie de réserve, les IMCUs ne s’échangeraient par conséquent qu’entre Banques centrales et ne circuleraient pas dans le public. Ils ne pourront donc pas être inflationnistes. puisque s’ils étaient émis en trop grand nombre, ils resteraient dans les écritures de la Chambre de compensation internationale, tout comme les excédents d’or restaient jadis dans les Banques centrales.

Tous les mouvements entre les Banques centrales s’exprimeront ainsi en IMCU, ce qui supprimera la spéculation entre devises sur les marchés.

Le taux de conversion entre les monnaies nationales et les IMCUs seront bien évidemment des taux de change fixes mais révisables.

Tous les pays adhérents à ce système de chambre de compensation internationale devront s’engager à respecter une discipline commune dont tous seront bénéficiaires. Ainsi, les pays excédentaires devront utiliser leurs excédents en achetant les biens et services, en investissant ou en fournissant une aide financière à  un autre pays débiteur.

L’objectif recherché par le système de la chambre de compensation internationale et des IMCUs est d’interdire à un pays donné qui épargne trop de freiner la demande des autres pays. Il permettrait de réinjecter les excédents financiers internationaux dans le circuit économique et de les utiliser pour accroître le PIB Mondial de façon plus homogène.

  

Une contribution sociale assise sur la consommation

 

Enfin, et je terminerai par ce volet d’actualité : la dépense de protection sociale est financée par des prélèvements sur l’emploi qui augmentent considérablement le coût du travail et favorisent, en France, les délocalisations des activités productives et les importations au détriment des entreprises résidentes.

Une réforme pertinente consisterait  à procéder à un changement de son mode de financement, afin qu’il ne soit plus assis sur les salaires mais sur la consommation [11].

La consommation est, en effet, une assiette de prélèvement beaucoup plus large et partagée que l’emploi.

Mode d’emploi :

Instauration d’une contribution sociale sur la valeur ajoutée (CSVA) dont le principe s’apparente à celui de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA).

Ce transfert de financement ne diminuerait pas les revenus des entreprises et n’aurait pas d’effet dissuasif sur l’activité.

A la différence des charges sociales, la CSVA serait appliquée sur la vente des produits nationaux ou importés, mais ne s’appliquerait pas aux produits exportés vendus hors taxes. 

Ainsi, la contribution sociale sur la valeur ajoutée (CSVA) :

- permettrait de réduire de moitié le coût du travail,

-de baisser les  prix des produits nationaux relativement à ceux des produits étrangers,

- de diminuer les prix des biens nécessitant de la main d’œuvre,

- d’augmenter celui des produits des entreprises robotisées ou délocalisées,

- de protéger l’emploi et de pérenniser le modèle de protection sociale par répartition.

 

Exemple : 

Transfert des charges sociales sur un produit dont le prix hors taxe s’exprime par 80 euros dont 30 euros de charges.

Après avoir changé l’assiette des prélèvements sociaux, le prix hors taxe sera de 50 euros auquel sera ajouté une  (CSVA) de 30 euros. Qu’allons nous constater ?

- La CSVA dynamise l’exportation :après transfert, le prix de vente à l’exportation passe de 80 à 50 euros.

- La CSVA freine l’importation : un produit importé de 50 euros hors taxe aura un prix de vente de 80 euros, après transfert de 30 euros de CSVA sociale, puisque les taxes sur la consommation sont répercutées sur les produits importés

- La CSVA inverse le mouvement des délocalisations industrielles (plus de raison  d’échapper aux poids des charges sociales pesant sur les salaires).

- La CSVA protège l’emploi. Les emplois à faible productivité et les entreprises de main d’œuvre sont actuellement pénalisés par rapport aux entreprises de haute technologie.

Une entreprise de services (nettoyage, peinture, etc) dont les salaires déterminent près de 80 %  du coût  des prestations, répercute le coût des charges sociales versées, approximativement 40 % de ses prix de vente (50 % du coût du travail). A l’inverse, une société de haute technologie pratiquera des prix quasiment exempts de charges sociales.

Après le transfert des charges sur la CSVA, les produits de ces deux types d’entreprises supporteront à égalité  le coût de la protection sociale.

- La CSVA pourrait assurer la pérennité du modèle de protection sociale. En élargissant sa base de recouvrement, la CSVA permettrait de stabiliser les régimes de sécurité sociale et de maintenir le système de retraite par répartition dont le financement ne sera plus dépendant du rapport entre actifs  et inactifs.

 

 Janpier Dutrieux, 21 juin 2003.

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[1] - Les politiques économiques au XXe siècle, Jean-Paul Thomas, Armand Colin 1990.

[2] - Les cahiers français n° 177, juillet septembre 1976.

[3] - Maurice Allais, Combats pour l’Europe 1992-1994, Clément Juglar 1997.

[4] - « Le commerce extérieur français, créateur ou destructeur d’emplois », Claude Vimont, Economica 1992,  « Les frontières ou le chômage », Pierre Milloz, Ed. Nationales 1995.

[5] - Cf. Mireille Marc-Lipiansky, Libre échange et protectionnisme, L’Europe en Formation (Hiver 95-96).

[6] - Friedrich List (1789-1846), Système national d’économie politique, 1841.

[7] - Pierre Joseph Proudhon, Système des contradictions économiques ou Philosophie de la misère, 1846.

[8] - Cf.  Myriam Geay, « Proudhon et le commerce international ou comment internationaliser le progrès social », Archives Proudhoniennes 1996.

[9] - P.J. Proudhon, Système des contradictions économiques ou Philosophie de la misère, 1846.

[10] - P. Davidson, « Post keynesian macroeconomic theory » (Edward Elgar Publishing 1994), in Bulletin de Chômage et monnaie n°10, février 1998, Richesses des nations et balance des paiements, G. Galand.

[11]  -  Cette réforme fut notamment présentée chez Pierre Aunac, Une économie au service de l’homme, (L’Harmattan 2000).