Georges Valois Du Cercle Proudhon au Nouvel Age par Bernard Lanza Le
nom de Georges Valois évoque en général peu de souvenirs pour les Français de
cette fin de siècle. Il faut dire que le « silence » qui s’est installé
autour de la pensée et du rôle historique de celui qui, à une étape de son
itinéraire intellectuel prétendument « chaotique », créa le premier
groupe « fasciste » français, n’est sûrement pas un hasard. S’il y
a indifférence, aujourd’hui, autour de Valois, elle est nécessairement
voulue, puisque, selon Yves Guchet, auteur d’une excellente biographie de ce
révolutionnaire, remarquablement lucide en dépit des apparences, « il
fut un temps où pour certains la pensée de Valois parut devoir mettre définitivement
fin aux « fantaisies de Marx ». A ce propos, Yves Guchet cite F.
Béthoux, dans « L’ordre économique et social d’après G. Valois »
(1) : « A Karl Marx s’oppose Georges Valois ». Les
adversaires les plus virulents de Valois l’accusèrent d’avoir été totalement
incohérent. Certes, son itinéraire politique peut le laisser penser. D’abord
monarchiste, puis fasciste, il dénonça ensuite cette forme d’organisation
sociale, la qualifiant d’escroquerie politique, et il se dirigea alors vers
le syndicalisme révolutionnaire, puis le mouvement coopératif. Mais dans son
oeuvre, de nombreux textes viennent pourtant porter témoignage d’une
continuité de sa pensée, notamment en ce qui concerne son hostilité au
capitalisme, sa « haine personnelle contre l’argent ». On a pu
noter quelques ressemblances entre la pensée de Valois et celle de Proudhon.
Si ce dernier s’est fixé comme objectif la justice sociale, Valois n’a cessé
de s’intéresser à la lutte de l’homme contre l’argent. Et tous deux
exaltèrent la résistance de l’individu contre la toute puissance de l’Etat Un itinéraire chaotique Alfred-Georges
Gressent est né le sept octobre 1878 à Pais. Il prendra le pseudonyme de
Valois en 1906, pour ne pas compromettre sa situation matérielle d’alors; il
était secrétaire de Max Leclerc, chez Armand Colin. Il
connaît une enfance miséreuse, à la suite de la mort de son père qui,
boucher, s’était blessé gravement pendant son travail. Il a cinq ans lorsque sa
mère le confie à sa grand-mère et au second mari de celle-ci. Ce dernier est
admiratif devant l’intelligence du jeune garçon et lui fait partager son
amour de la République. Sa grand-mère, elle, lui enseigne les « bons
principes ». A
quatorze ans, Georges Valois entre dans une école professionnelle, l’école
Boulle. Il en est exclu avant les trois ans
qu’il devait y passer, pour avoir manifesté bruyamment contre la
nourriture. Alors
vient pour lui le temps des petits métiers, après un bref passage chez un
commerçant des halles; Valois, qui, à seize ans, s’affirme républicain
socialiste, entre au service des abonnements de deux journaux réactionnaires
et cléricaux, « la France Nouvelle » et « l’Observateur
Français ». Curieusement, ici, ses idées n’effraient pas, on est plutôt
aimable avec lui, mais en raison de difficultés financières, la moitié des
emplois est supprimée et Valois est du
nombre des licenciés. Il entre ensuite chez un fabricant de produits
chimiques qui ne trouvera rien de mieux que de le dénoncer à la police comme
anarchiste. L’affaire n’aura pas de suite. Valois
signe un contrat pour Singapour. Ce voyage est pour lui une occasion de
connaître d’autres peuples, d’autres réalités. Il regagne la France en
juillet 1897, avec « l’âme altérée des vérités nouvelles », et se
demande toujours comment il pourrait gagner sa vie sans pour autant cesser de
s’instruire. Heureusement l’économiste Georges Blondel, puis son cousin André
- futur membre de l’Institut - l’aideront de leur mieux en lui confiant des
travaux de secrétariat au cours des années 1898 et 1899. Il s’en acquittera
avec beaucoup d’intelligence. Pendant quatre ans, Valois va fréquenter les
milieux révolutionnaires, et plus particulièrement les groupes anarchistes. Depuis
son retour d’Asie, il lit chaque semaine « Les Temps nouveaux » et
« Le Libertaire », et chaque mois « La Société Nouvelle »
et la « Revue Blanche ». Au
groupe de « l’Art social
», il rencontre plusieurs anarchistes dont le nom est resté célèbre,
Fernand Pelloutier, le fondateur des Bourses du Travail. Sébastien Faure -
qu’il accusera plus tard d’avoir été indicateur de police -, Jean Grave, Paul
Delesalle. Valois
sera pendant plus d’un an le secrétaire de « L’Humanité Nouvelle »
que dirige Augustin Hamon. Le doute va naître dans son esprit en face de ces
intellectuels anarchistes qu’il découvre pleins de contradictions et suspecte
d’hypocrisie. Mais sa rencontre avec Georges Sorel va être d’une grande
importance. Il fait sa connaissance en 1898, à »L’Humanité Nouvelle »
où Sorel apporte le texte de sa brochure « L’avenir socialiste des
syndicats ». Valois écoute avec respect cette « pénétrante
intelligence », et cela va contribuer à le faire étudier les phénomènes
économiques. Ce contact avec les milieux anarchistes marquera Valois toute sa
vie; il le conduira à un certain dégoût pour
« la politique ». « Lorsque Sorel entrait (au comité de
rédaction de « L’Humanité Nouvelle »), il y avait un frémissement
de l’intelligence chez les assistants et l’on se taisait. Nous l’écoutions.
Ce n’étaient pas ses cinquante ans qui nous tenaient en respect, c’était sa
parole. Sorel, forte tête de vigneron au front clair, l’oeil plein de bonté
malicieuse, pouvait parler pendant des heures sans que l’on songeât à
l’interrompre ».Valois (D’un
siècle à l’autre). Il
faut noter aussi que Valois a été dreyfusard, mais en 1898, la plupart des
journaux anarchistes s’étaient ralliés aux défenseurs de l’officier juif
alsacien, alors qu’au début de l’Affaire, en 1894, ils le considéraient comme
coupable, n’hésitant pas, pour certains, tel Emile Pouget, dans « Le
Père Peinard », à faire preuve d’un solide antisémitisme. En
1900, Valois a vingt-deux ans. Il rejoint le 46ème régiment d’infanterie à
Fontainebleau. Il y arrive antimilitariste, mais il y prend vite goût car il
retrouve là le vrai peuple, le « pays réel » que son passage chez
les anarchistes lui avait fait abandonner. Il y découvre que « mon sang
est plus fort que les idées de Kropotkine ». Au bout de six mois de service, il tombe
malade et quitte l’armée, avec regret. Ecoeuré de « la politique »,
il va de nouveau quitter la France. A la fin de 1901, il se rend à Genève où
un professeur de l’Université, Georges Bouvier, à qui G. Blondel l’a
recommandé, lui offre de devenir précepteur en Russie, dans la famille du
gouverneur de Kovno, Emmanuel Vatatzi. Valois part au début de mars 1902. Il
reviendra de Russie, persuadé que « la Russie est menacée par les hordes
asiatiques, par le péril jaune qui ne demande qu’à s’étendre partout »
(2). Il se montre très critique envers le tolstoîsme, ce « cheval de
Troie de l’Asie en Russie ». Par contre, Valois ne s’aperçoit pas que
des forces autres que le tolstoîsme sont déjà à l’oeuvre à cette époque pour
préparer la Révolution. En
août 1903, il rentre à Paris. Il se marie avec une jeune Française qu’il
avait rencontrée en Russie et qui va lui donner bientôt un premier fils. Il
prend contact avec les milieux syndicaux qu’il juge pollués par la politique.
Les hommes qu’il rencontre au cours de cette démarche, il les sent très
différents de lui : « Ils voulaient sortir du travail, tandis que
j’y entrais.... Ils se demandaient
comment ils feraient la révolution, je me demandais comment nous
travaillerions au lendemain de la révolution.... ». En
juin 1903, Valois définit ainsi le mot « travail » pour un
dictionnaire à mettre à jour : « Qui veut la vie doit accepter le
travail, qui veut le travail doit accepter la contrainte, et par conséquent
le chef. Le chef n’est pas l’ennemi, c’est notre bienfaiteur ». Il
entre en relation avec l’écrivain Paul Bourget qui l’invite à adhérer à
l’Action Française, il rencontre aussi Charles Maurras avec qui il discute de
l’oeuvre de René de La Tour du Pin; puis le duc d’Orléans qui le séduit.
C’est plein d’enthousiasme qu’il se convertit au monarchisme. Toutefois,
son adhésion, écrira-t-il plus tard, « comportait l’utilisation des
thèses soréliennes ». Il concevait la monarchie comme « un arbitre
permanent au-dessus des classes en conflit pour les obliger les unes et les
autres à respecter les règles du jeu ». Valois,
au sein de l’Action Française, n’est pas vraiment un militant ordinaire. Il
dispose cependant d’une assez grande marge de manoeuvre, et, en 1909, il
publie son enquête sur « La monarchie et la classe ouvrière ».
Valois a envoyé son questionnaire à Sorel qui ne répond pas, et aussi à
Robert Louzon, à Jean Grave, à Emile
Janvion, etc. Si la plupart des syndicalistes et anarchistes interrogés
condamnent plus ou moins la République parlementaire, ils ne sont guère
tentés par une solution monarchique. Valois constate ce désaccord et le regrette, mais il ne désespère pas
pour autant du syndicalisme. Au
printemps 1910, il propose à Sorel de prendre la direction d’une revue,
« La Cité Française ». Celui-ci accepte, mais la revue ne paraîtra
pas, car Variot avait voulu prendre la tête de la revue, ce que Pierre
Gilbert, Edouard Berth et Sorel n’auraient pas toléré, selon Valois. Lorsque Sorel mourut en 1922, le monarchiste
Georges Valois, dans l’Action Française, et le socialisme Robert Louzon, dans
La Vie Ouvrière, lui rendirent un hommage empreint de la même admiration.
Quelques semaines plus tard, Mussolini, faisant son entrée dans Rome,
déclarait à un journaliste espagnol : « C’est à Sorel que je dois le plus ».
Le gouvernement soviétique et l’Etat fasciste proposèrent le même jour
d’assumer l’entretien de son tombeau (3). Le cercle Proudhon Avec
ces sept hommes qu’unissaient plusieurs idées communes sur la nation, l’anti-démocratisme
et le souci de l’organisation de la « cité française selon les principes empruntés à la tradition
française », G. Valois va fonder le Cercle Proudhon. Les monarchistes
les plus conservateurs sont indignés. Maurras tient à préciser dans le
premier cahier du Cercle : « Les idées de Proudhon ne sont pas les
nôtres ». Malgré ces réserves, l’AF ne contrarie pas les efforts de
Valois en vue de multiplier les contacts entre syndicalistes et
nationalistes. Elle l’invite même à s’occuper de la Nouvelle Librairie
Nationale, rue de Médicis. Mais la guerre va bientôt s’annoncer, elle sera
pour Valois une épreuve tout à fait
décisive. C’est à « l’initiative de Georges Valois,
Edouard Berth et Henri Lagrange que fonctionna le Cercle Proudhon de l’Institut
d’Action Française. L’un de se professeurs, Louis Dimier cite Proudhon dans
son ouvrage « Les Maîtres de la Contre-révolution au XIXème
siècle » (3). C. Maurras préférait faire appel à des disciples
de La Tour du Pin, plus modérés ou effacés que Valois pour traiter les
questions sociales et économiques. Valois chercha alors à s’exprimer dans des
revues autonomes. Une revue « La Cité française » réunissant
syndicalistes et nationalistes fut décidée. Georges Sorel en rédigea la
déclaration de principe. Mais cette revue ne fut qu’un projet.
Les jeunes soréliens de l’Action Française ne se
découragèrent pas, et en mars 1911, Valois créait avec Henri Lagrange le
Cercle Proudhon. (...) L’éclatement de la guerre de 14 mit un terme à cette
tentative de réunion des éléments monarchistes et syndicalistes (4). Dès
le début, on l’envoie à Verdun, et il réfléchit à l’organisation de l’armée
et au sort des combattants lorsque la paix sera revenue. Valois n’a pas été
un soldat « de salon », il a fait la guerre avec courage;
sous-lieutenant en mai 1916, il est blessé en octobre et opéré à Epinal. En
1921, dans « D’un siècle à l’autre », il tirera ainsi les
conclusions de la guerre : « Le
siècle passé ne voulait plus chercher que la jouissance. Mais un même ordre parvient
aujourd’hui à chacun de nous, venant des Hauts de Meuse, des bois de
l’Argonne, des rives de la Marne et des champs de la Somme : Travaille !
C’est l’ordre divin, c’est l’ordre humain. Le siècle passé faisait de la
révolte une déesse : le legs que nous recevons des sacrifiés, c’est le
bienfait de l’obéissance, mère de la paix et de la justice. Mais puisque l’on
nous a enseigné la révolte, que cet enseignement nous sauve au moins contre
les faux dieux. L’argent règne encore insolemment dans ce pays. Que notre
révolte libère l’homme de cette servitude, afin que le plus beau royaume qui
soit sous les cieux appartienne aux deux forces qui ont sauvé le monde de la
barbarie : l’esprit et le sang. C’est la tâche de notre siècle ». Dès
sa démobilisation, Valois va se consacrer davantage à l’économie qu’à la
politique. La « Grande Guerre » a tué un million et demi de soldats
français. Comment faire pour organiser la production, pour reconstruire, avec
une main d’oeuvre aussi réduite ? Il devient l’économiste officiel de
l’Action Française. S’opposant à la fois à
l‘économie libérale et à celle de type socialiste, il essaie de
proposer un système économique permettant d’assurer un progrès continu de la
production, tout en maintenant les solidarités sociales. Une « troisième
voie » en quelque sorte. « Les systèmes socialistes collectivistes
développent les principes républicains, transportent le principe de l’égalité
politique dans l’économie, et, construits en vue d’assurer à tous les hommes
des droits égaux et des jouissances égales, ils refusent aux citoyens, comme
le fait l’Etat républicain, le droit de « se séparer de la chose
publique par un esprit de corporation ». En face de la collectivité
propriétaire de tous les biens, en face de l’Etat patron, les travailleurs
sont privés du droit de coalition. Ils devront subir les conditions de
travail qui seront établies par la collectivité, pratiquement par l’Etat,
c’est-à-dire par une assemblée de députés, et ils ne pourront les modifier
que par l’intermédiaire de leurs députés... »(Histoire et philosophie
sociale) (4). Dans
son ouvrage « L’Economie nouvelle », Valois critique le marxisme,
« cette conception matérialiste de l’histoire que Marx et ses disciples
ont introduite dans la pensée socialiste ». A
propos de la révolution russe, il écrit : « Ce n’est pas la lutte des
classes qui a fait agir le prolétariat russe, c’est le dogme, l’idée de la
lutte de classes, l’idée de la révolution sociale (ce que Sorel nomme le
mythe social). C’est ce dogme, cette idée, ce mythe, qui, maniés par des
intellectuels et des aventuriers, ont soulevé les classes ouvrières et les
ont soumises à la dictature du militarisme historique ». Valois
souhaite unir au sein de la nation bourgeois et ouvriers, au dessus des
partis et des classes. Il estime, se référant à Proudhon, que « la
constitution de la propriété est une condition indispensable de la
civilisation ». Méfiant à l’égard de l’économie libérale, Valois ne
croit pas à la loi de l’offre et de la demande, et commence à ébaucher l’idée
d’un système corporatif qui évoluerait au dessus des classes et des partis,
dans le cadre d’un Etat fort que le Roi incarnerait et dirigerait. L’inspirateur
de Valois pour les questions sociales, c’était le marquis de La Tour du Pin,
et les thèses de « L’Economie Nouvelle » ne semblaient pas
embarrasser Maurras, même si le souci
de Valois n’avait pas été de dégager les principes d’une économie chrétienne. En
mars 1920, Valois, au VIIème congrès de l’AF, lance l’idée d’une organisation
qui répondrait aux principes de l’Economie Nouvelle. Ce sera la CIPF
(Confédération de l’Intelligence et de la Production Françaises) dont
l’objectif est de rassembler des groupements d’intellectuels et de
producteurs sous la forme de syndicats ou de comités d’action. Il fut bientôt appelé à diriger une maison
d’édition, la Nouvelle Librairie Nationale qui devait subsister jusqu’en
1927. Après la grande guerre, il eut l’idée de créer des sociétés
corporatives et d’organiser des semaines -notamment du Livre et de la Monnaie
- pour mieux faire comprendre la portée concrète de ses idées. Il écrivit
plus tard à ce sujet : « Tout cela était pour moi la construction de
nouvelles institutions. Les gens de l’Action Française n’y comprenait
absolument rien. Je cherchais le type nouveau des assemblées du monde
moderne. Pendant que les gens de l’Action Française continuaient de faire des
raisonnements, je travaillais à la construction de ces
institutions »(4). Valois
va parcourir le pays pour donner des conférences sur la Confédération. Mais
les effectifs ne sont pas nombreux, et si une élite patronale a été
intéressée, peu d’ouvriers l’ont été. La CIPF aura eu au moins le mérite
d’avoir été à l’origine de réunions professionnelles d’un type nouveau, les « semaines économiques »,
dont certaines connurent un relatif
succès. Ces « Semaines », dans l’optique de
Valois, sont un premier pas vers une réorganisation économique de la France,
il envisage une réunion des Etats Généraux où la représentation des
professions face à l’Etat serait assurée. Il souhaite que l’intérêt général
et les intérêts particuliers soient dissociés, ce que ne fait pas le régime
parlementaire qui confond les deux. En 1922, l’idée de rallier les élites du monde du
travail à la solution monarchiste lui semblait vaine. Il ne s’intéressait
plus seulement aux forces ouvrières, mais à l’ensemble du monde économique du
pays. Son idée était « de réunir
les Etats Généraux », créant ainsi la représentation réelle des forces
nationales, par opposition à la représentation artificielle du
parlementarisme (4). Valois
oeuvre à la construction d’un « Etat libre au dessus des partis et des
groupes; un chef d’Etat permanent incarnant l’intérêt national devant l’Etat,
les Etats professionnels, les Etats régionaux, les Etats généraux pour
représenter et défendre non plus une poussière de citoyens, mais des corps,
c’est-à-dire des familles, des métiers et des provinces » (5). En
1923, Valois se rend en Italie avec plusieurs responsables de l’AF. Il
rencontre Mussolini et il est impressionné par le régime fasciste. Cela va
contribuer à l’éloigner progressivement
de l’AF qu’il juge trop immobiliste. En 1924, il demande à Poincaré de
prendre les pleins pouvoirs pour sauver le franc menacé par l’inflation. L’AF
ne l’intéresse plus, et d’ailleurs elle mène une campagne pour l’isoler. En
octobre 1924, Valois rompt avec l’AF et un mois plus tard ce sera le début de
l’histoire du Faisceau qui ne sera créé officiellement qu’un an après, le 11
novembre 1925. DU NOUVEAU SIECLE AU FAISCEAU C’est
à la fin de février 1925 que Valois fonde un journal hebdomadaire, le
« Nouveau Siècle ». Cet
organe de propagande lance un appel aux combattants suggérant la formation de
« Légions » destinées à lutter contre le parlementarisme. Pendant
l’été, Valois laisse entendre que le « Nouveau Siècle » sera
l’expression d’un « mouvement » qui réunissait des hommes venus de
différents horizons. Le 3 septembre, Valois s’en prend à « l’esprit bourgeois », à cet
« individualisme bourgeois » qui
a nomadisé les ouvriers, et les
a livrés aux politiciens socialistes. Le
11 octobre 1925, il annonce que le « Nouveau Siècle » devient
quotidien et que, dans ces conditions, il ne peut poursuivre sa collaboration
à l’Action Française. Il donne alors sa démission des comités directeurs e
l’AF. Maurras prend acte de cette démission, tout en insistant sur le «
magnifique passé ». Mais les divergences vont bientôt s’aggraver, car le
désaccord entre Valois et une AF qu’il jugeait sclérosée, était profond, à la
fois sur les méthodes et sur le fond. Valois croyait qu’un dialogue était
possible avec les communistes, puisqu’ils luttaient contre la ploutocratie.
Il cherchait des alliés du côté des ouvriers tandis que Maurras, lui, les
cherchait dans la bourgeoisie, qu’il ne voulait surtout pas effaroucher. Relatant après sa rupture avec Maurras son
premier contact avec celui-ci, Valois écrivait : « C’est sur le problème
économique et social que nous nous heurtâmes immédiatement. Dans la suite,
Maurras s’abstint de renouveler cette dispute. Sa décision avait été prise;
il avait compris qu’il était préférable de m’associer à son oeuvre et de
m’utiliser en s’efforçant de m’empêcher de produire toute la partie de mon
oeuvre qu’il n’acceptait pas » (Basile ou la politique de la calomnie)
(4). Le
Faisceau n’a pas été, quoiqu’on en ait dit, une pâle copie du fascisme
mussolinien. L’organisation était composée de quatre sortes de faisceaux : le
Faisceau des combattants, le plus important, qui regroupait les combattants
de 14-18, ceux des guerres coloniales, et même des plus jeunes, qui avaient
vingt ans en 1925, recrutés comme aspirants; le Faisceau des corporations,
composés de paysans, d’ouvriers, de techniciens et de chefs d’entreprises; le
Faisceau des jeunes, pour les moins de vingt ans, et le Faisceau civique, qui
regroupait les Français et Françaises qui n’appartenaient à aucune des trois
autres catégories. Valois,
le 11 novembre 1925, prononce un discours à la salle Wagram, devant plusieurs
milliers de personnes, 6000 environ .
Il y dénonce l’impuissance du
parlementarisme, la faillite des vieux partis, la « paix manquée »,
et déclare que son objectif est « la conquête de l’Etat » au dessus
des partis et des classes. Cet Etat national « donnera une attention
particulière à l’aménagement du pays, des moyens de transport et de
répartition ». L’accent est mis aussi sur la défense des intérêts
ouvriers, l’organisation de la justice dans la vie sociale. Le Faisceau
réclamait un chef national, mais qui était ce chef ? Valois ne se met pas en avant. Il écrit
dans le « Nouveau Siècle » du 3 septembre 1926 : « Il y a le
dictateur lorsque la dictature est faite ». Valois envisage-t-il d’avoir
recours à la violence pour conquérir le pouvoir ? En tout cas, il ne l’exclut
pas, même s’il pense à cette époque que l’Etat s’effondrera bientôt, à la
suite de l’aggravation de la situation financière. Vers
la fin de 1925, les rapports entre le Faisceau et l’AF se détériorent.
Maurras ne cache plus son hostilité à cette entreprise
« aventureuse ». Les attaques
personnelles contre Valois et ses amis vont se multiplier. Daudet se
déchaîne, et Maurras va jusqu’à le qualifier d’agent provocateur, sans doute
au service de la police. Valois réplique à ces attaques dans le
« Nouveau Siècle », tout en essayant de ne pas entretenir la
polémique. Valois avait surtout le sentiment que les
campagnes de son hebdomadaire « Le Nouveau Siècle » concernant les
finances, la monnaie et la bourgeoisie déplaisaient souverainement, sinon à
l’Action Française elle-même, du moins à certaines personnalités politiques
ou financières avec lesquelles l’Action Française ne voulait pas se mettre en
mauvais termes (4). « Maurras et ses commanditaires avaient
toléré ma politique ouvrière, tant qu’ils avaient pu la mener sur le plan de
la littérature, mais du jour où je déclarais que nous passions à l’action
pratique, on voulait m’arrêter net » (G. Valois, Histoire et philosophie
sociale) (4). Valois intenta un procès à l’Action Française. Ce
fut l’un des plus importants procès de presse de l’époque. Valois n’était
plus pour Maurras que « la bourrique Gressent, dit Valois », alors
qu’il admirait en 1915, lors de la fondation du « Nouveau Siècle», (ses)
décisives analyses de la situation financière qui ont abouti à la Ligue du
franc-or ». Valois sortit vainqueur de sa lutte judiciaire
contre l’Action Française (4). Il
a un autre souci; trouver de l’argent pour financer son journal. On
sait que l’un des principaux souscripteurs a été le parfumeur François Coty,
propriétaire du Figaro et du Gaulois. La campagne lancée auprès des lecteurs
et des sympathisants connaît un relatif succès, mais la moitié de la somme
reçue a été fournie par les gros versements d’une vingtaine de personnes. Les
réunions tenues par le Faisceau en province donnent cependant des résultats
encourageants. Parmi les orateurs, on remarque surtout Philippe Barrès,
Philippe Lamour, Marcel Bucard. Sur les effectifs, la discrétion est de
rigueur. Valois parlera plus tard de 25 000 adhérents, un chiffre qui paraît
plausible. Le
« Nouveau Siècle » a-t-il eu un tirage de 300 000 exemplaires en
1926, comme le prétendit Valois ? Ce n’est pas très vraisemblable, car il
aurait pu vivre sans problème, même avec un tirage deux fois moindre, ce qui
ne fut pas le cas. Le
Faisceau s’est voulu rassembleur, mais l’arrivée en son sein de communistes
et de socialistes aboutit à la formation de deux camps, une droite militariste et réactionnaire,
une gauche syndicaliste et révolutionnaire. Cette gauche se groupa derrière
le nom de Valois. Dans
un article du « Nouveau Siècle » du 24 février 1926, Valois montre
les limites de l’antisémitisme; simplement le juif doit être français avant
d’être juif, de même pour le protestant ou pour le franc-maçon. Par rapport
au catholicisme, Valois est un croyant dont, écrit J.M. Duval, « les
rapports de l’homme et de Dieu sont une préoccupation constante » ,
et il nous propose deux textes de Valois, l’un extrait de « Le Père » (1913):
« Ainsi es-tu, homme et père, devant le Père qui est aux cieux : tu dois
suivre ses commandements et accomplir sa parole, ne connaissant des volontés
divines que ce qui fut révélé à ton intelligence... », l’autre extrait
de « L’Homme devant l’Eternel » (1941) : « Une foi nouvelle se
répand dans ce monde au delà de Moise, de Jésus, de Bouddha, de Confucius, de
Mahomet, de tous les prophètes et de tous les Dieux qui n’étaient point de
faux dieux, mais qui n’étaient que des dieux provisoires, des demi-dieux qui
annonçaient l’Eternel ». L’année
1926 voit le franc baisser régulièrement. Le gouvernement Briand démissionne
le 15 juin. Valois accorde un préjugé favorable au nouveau gouvernement
Briand-Caillaux, espérant qu’il soutiendra un Etat national au dessus des
partis de droite et de gauche. Philippe Barrès n’est pas dupe, et dénonce
« les dangers d’un pseudo-fascisme ». Valois
fait le choix du régime républicain, se séparant définitivement de la
monarchie, au rétablissement de laquelle il ne croit plus. Le Faisceau se
réclame désormais de « la grande
idée de la Révolution Française de 1789 ». La
réunion de Reims, le 27 juin 1926, est celle des producteurs, pour tirer le
pays de la crise. C’est un succès : 10 000 participants, mais les résolutions
n’apportent pas de nouveauté. A Meaux, le 5 septembre, le glissement à gauche
du Faisceau se confirme. Poincaré a
formé son gouvernement d’union nationale, dans « L’homme contre l’argent » (1828),
Valois écrira : « Poincaré au pouvoir, nous devenions beaucoup
plus vulnérables. Nous perdions cet épais matelas de sympathies que nous
valait notre fonction de défenseur du franc ». Le
Faisceau, qui avait connu un départ fulgurant, est ainsi freiné par le
changement de pouvoir et doit reconsidérer son rôle et le sens de son combat. « Nous ne sommes ni à droite ni à gauche.
Nous ne sommes pas pour l’autorité contre la liberté. Nous sommes pour une
autorité forte et pour une liberté non moins forte. Pour un Etat fortement
constitué et pour une représentation nouvelle régionale, syndicale,
corporative » (Le Nouveau Siècle, 25 septembre 1926). Le
5 décembre 1926, le « Nouveau Siècle » devient hebdomadaire, et au
Congrès de janvier 1927, rue d’Aguesseau, une coalition s’organise contre
Valois. A droite, c’est Bucard qui l’accuse d’abandonner l’esprit combattant,
à gauche, Lamour qui est passé par le Parti communiste, mais le Faisceau se
démarque de sa position en se défendant de constituer « un corps de
police auxiliaire pour la défense des possédants ». Pour Valois, la
campagne anti-communiste vise surtout à servir les intérêts des ploutocrates
de Londres. Le Faisceau se veut nationaliste, préoccupé des intérêts de la
France; il est aussi pacifiste, estimant que la paix est menacée parce que
les Etats classiques sont incapables d’apporter des solutions aux problèmes
nouveaux. Des
militants, déçus, s’en vont ou sont exclus, comme André d’Humières ou encore
Philippe Barrès. Le Faisceau eut lui-même ses dissidents,
entraînés par l’un des fondateurs du mouvement, Philippe Lamour (4). De la république syndicale au
Nouvel âge Valois
s’éloigne peu à peu de la droite et il cherche, au delà du fascisme, comment
collaborer avec les radicaux, les socialistes et les démocrates-populaires. Le
« Nouveau Siècle » du 18 mars 1928 reproduit le premier manifeste
pour la République syndicale. Et c’est l’abandon du vocable fasciste. Dans
« Finances italiennes » (1930) Valois écrira : « Le fascisme a
été une formidable escroquerie, à l’intérieur et à l’extérieur. A l’intérieur,
parce qu’il a pu naître et se développer avec des éléments socialistes et
même communistes qui ne l’auraient pas laissé naître s’il s’était présenté
tel qu’il est aujourd’hui; à l’extérieur, parce qu’il a trompé des hommes
(comme mes amis du Faisceau de France et moi-même) qui, disciples de G.
Sorel, voyaient en Mussolini un réalisateur de quelques unes des pensées du
socialisme sorélien ». Notons en passant que c’est probablement à Valois
que le gouvernement du maréchal Pétain emprunta le slogan du nouveau régime
de 1940, la Révolution Nationale (4). Le
10 juin 1928, Georges Valois fonde le Parti Républicain Syndicaliste (PRS).
Les membres du Faisceau, restés fidèles à l’Italie mussolinienne, créèrent un
Parti Fasciste Révolutionnaire, animé par le docteur Winter, qui publia
pendant deux ans le journal « Révolution Fasciste ». Ce parti resta
toujours très groupusculaire.. Valois
n’avait pas voulu faire du Faisceau un mouvement anti-communiste défendant
les intérêts « bourgeois », cela était tout à son honneur, mais le
conduisit inéluctablement à l’échec. En mars 1928, Valois publie un « Manifeste
pour la République Syndicale ». Cette publication est suivie de la
fondation du Parti républicain syndicaliste (... auquel adhéra) René
Capitant, futur ministre du général de Gaulle (4). Après
la formation du PRS, Valois animera plusieurs revues, d’abord, les
« Cahiers Bleus », organe du PRS, qui paraîtront jusqu’en 1932,
puis les « Chantiers coopératifs »; enfin un journal, « Le
nouvel Age », dont il sera le gérant. Il suscitera alors plusieurs revues, Les cahiers
bleus, les chantiers corporatifs, le nouvel âge. Parmi leurs
collaborateurs, on doit citer Pierre Mendès France, Bertrand
de Jouvenel et Jean Luchaire
(4). La
grande crise de 1929 apparaît comme une crise structurelle du capitalisme,
qui ne parvient plus à résoudre ses contradictions. Valois cherche des
solutions du côté du mouvement coopératif. Il estime qu’il est nécessaire de
construire un Etat nouveau qui acceptera de répartir équitablement le revenu
national; il lui semble inadmissible que seule une minorité de privilégiés
puisse profiter des bienfaits du progrès technique. Le nationalisme étroit
lui apparaît dépassé, archaïque. Il invite à la « création d’un système
européen, avec plan décennal de rationalisation générale ». Valois
affirme désormais que le socialisme et la liberté ne peuvent se retrouver que
dans la coopération. Il veut organiser les consommateurs, et condamne à
présent toute forme d’étatisme. Ses véritables ennemis, il les désigne sans
hésiter : le capitalisme et le fascisme. Les manifestations de février 1934,
il en est persuadé, ont été organisées de longue date par la Banque et les
trusts pour amener au pouvoir un gouvernement de type fasciste. Il désigne
nommément les « responsables », Horace Finaly et François de
Wendel, mais aussi Jean Chiappe, le préfet de police et la majorité de la
presse, dominée par l’Agence Havas. Ce
problème de la liberté de la presse accapare beaucoup Valois qui n’admet pas
que l’on puisse fixer librement le prix d’un quotidien, ce que fait François
Coty en lançant « l’Ami du Peuple », à dix centimes. Un appel pour
l’indépendance de la presse est signé par de nombreuses personnalités :
Vincent Auriol, Pierre Cot, Edouard Daladier, Edouard Herriot, Valois, Emile
Roche, etc.... De très nombreux articles paraissent dans « Le nouvel
Age » pour dénoncer le rôle de l’agence Havas qui est entre les mains
des industriels et des financiers. Le
14 octobre 1935, l’Assemblée des coopérateurs du Nouvel Age, réunis à la
Mutualité, vote un texte où ils disent leur détermination de répondre aux
provocations à la guerre civile et aux menaces de mort proférées par les
bandes fascistes. Valois ne se contente pas de dénoncer les ennemis de la
classe ouvrière, il ne se satisfait pas davantage des plans de la CGT qui
visent à faire de la socialisation dans une perspective étatique. La gauche
se méfie de lui, et à la « Révolution Prolétarienne », on l’accuse
d’avoir toujours été un destructeur du mouvement ouvrier. Berth prend sa
défense, protestant de son honnêteté et de sa sincérité. A
l’égard du Front Populaire, Valois se montre très critique, mais il se rallie
tout de même, pour ne pas se couper de la base. Il reproche à Blum la
dévaluation du franc, faite au bénéfice des capitalistes. Il critique aussi
avec virulence la politique suivie vis-à-vis de l’Espagne, conscient que
l’issue de la guerre civile aurait une influence sur la paix en Europe.
Valois reproche également à Blum de ne pas avoir appelé à venger Roger
Salengro, poussé au suicide par la presse de droite qui l’avait accusé, à
tort, de trahison. A
partir de 1937, Valois devient plus dur encore à l’égard de la politique du
Front Populaire. Il qualifie de « trahison » la nomination de Jean
Coutrot à un poste officiel d’organisation économique, et il est indigné de
la composition de la commission de gestion du fonds d’égalisation des changes
où apparaissent Charles Rist et Paul Baudoin, « délégués des grandes
banques et des trusts les plus puissants » (Nouvel Age, 10 mars 1937). Valois est
catégorique, si Léon Blum et son gouvernement en sont arrivés là, c’est
qu’ils sont incapables d’assurer la gestion des finances, et c’est aussi
parce qu’ils n’ont pas la moindre idée de ce que pourrait être une économie
socialiste. Valois
a compris que le parti communiste n’avait aucune liberté d’action vis à vis
de l’URSS, qu’il n’était qu’un instrument de manoeuvre du stalinisme. S’il
est opposé à toute action violente contre les régimes fascistes, Valois n’est
pas cependant du nombre de ceux qui approuvent Munich. Pour lui, Chamberlain
a créé de toutes pièces la menace de péril de guerre, pour faire admettre à
l’opinion anglaise qu’il était nécessaire d’abandonner la Tchécoslovaquie. Le
pacte germano-soviétique lui apparaît comme le triomphe de Staline et,
curieusement, comme l’annonce de la bolchevisation de l’Allemagne. Après
l’invasion de 1940, Valois se retrouve au Maroc, où il écrit « La fin du
bolchevisme ». Il est arrêté et transféré à la prison de Meknès en 1941.
C’est là qu’il compose plusieurs chapitres de son dernier ouvrage,
« L’homme devant l’Eternel » qui paraîtra après sa mort, en 1947. Emprisonné
ensuite à Clermond Ferrand, Valois est jugé puis acquitté. Il se retire alors
près de Beaujeu, à Val d’Argières. La Gestapo l’arrête en mai 1944 pour son
action clandestine. Il est incarcéré à Lyon, au fort de Montluc, puis déporté
à Neuengamme. En décembre 1944, il est évacué vers Bergen-Belsen. L’épidémie
de typhus qui ravage le camp en ce début de 1945 l’emporte le dimanche 18
février. Le mouvement de George Valois était oublié :
Arthus et lui-même furent de ces morts de la Résistance dont les partis
politiques victorieux préféraient ne pas parler, puisqu’ils n’avaient pas été
des leurs (4). Bernard Lanza --------------------------------------------------------------------------------- 1) : Edition de la Revue
fédéraliste, 1921, page 8. 2): J.M. Duval, « Le
Faisceau de Georges Valois, 1979 », La Librairie Française, page 33. 3): Vu de droite, Alain de Benoist, Copernic,
1978. 4) : Les dissidents de l’Action
Française , Paul Serant, éditions Copernic 1978. 5): Action Française, 25 septembre 1922. Le plan de
Nouvel âge de Georges Valois,
17 février 1936 (extraits) Un Nouvel âge : La machine et l’énergie naturelle libèrent
l’homme du travail. L’Humanité
est entrée dans un nouvel âge. Elle possède déjà l’équipement de cet âge nouveau.
Elle n’en a encore ni le droit, ni les institutions. Ce que l’on appelle la
crise n’est rien d’autre que la manifestation de la contradiction entre cet
équipement nouveau et les vieilles institutions, qui rendent impossible la
répartition des produits de la machinerie universelle. A
cette « crise », le vieux droit, les vieilles institutions ne
peuvent apporter aucune solution. Parce que, littéralement, « le monde
change de base ». Le
nouvel âge, c’est l’âge caractérisé par le fait que l’humanité a trouvé les
moyens de capter l’énergie dans la nature inanimée. C’est
la révolution scientifique et technique la plus grande de toute l’histoire.
Elle change tous les moyens d’action de l’homme. Elle l’oblige à changer la
structure de toutes ses sociétés. Aristote
avait dit : « Si le ciseau et la
navette pouvaient marcher seuls, l’esclavage ne serait plus
nécessaire ». La prévision d’Aristote est réalisée. Non seulement
l’esclavAGe n’est plus nécessaire. Mais le servage, le salariat devront
disparaître. L’homme, obligatoirement cessera d’être un producteur, un
travailleur. Il doit devenir inventeur, ingénieur, organisateur, distributeur
- mais non travailleur. Le
problème posé à l’humanité désormais, c’est non pas comment contraindre l’homme à travailler,
mais comment, par la machine et l’énergie prise à la nature, libérer l’homme
du travail, et tirer de toute la machine une masse croissante de produits ? Le
problème est simple. Il est insoluble dans le régime économique et le régime
juridique existants. Les machines et l’énergie sont des propriétés privées
entre les mains des minorités qui ont cru augmenter leurs profits en les
exploitant. Mais l’exploitation rationnelle des machines et de l’énergie a
engendré en même temps le chômage des travailleurs et l’abondance des
produits destinés à ces mêmes travailleurs dont la puissance d’achat totale
baissait par le chômage. D’où
le fait universel que l’on appelle la crise. Fait connu et qui se
reproduisait périodiquement depuis l’industrialisation. Mais jusqu’ici, les
« crises » étaient annulées
par de nouveaux emplois pour les travailleurs éliminés de telle ou telle
industrie. Cette fois, l’annulation est impossible, la cadence du progrès est
trop rapide, la puissance de production est trop grande. L’humanité est
arrivée au moment où elle est obligée de distribuer des loisirs. L’abondance et ses effets dans le régime
actuel. Nous
ne décrirons pas ce que l’on appelle aujourd’hui « l’abondance ».
Sur ce point, nous renvoyons aux ouvrages de Jacques Duboin et de Gustave
Rodrigues en premier lieu. Nous n’en rappelons que les conclusions
essentielles : 1
: Les possibilités de la production humaine sont aujourd’hui telles que, dès
maintenant, elles dépassent les moyens de répartition, créant ce que les observateurs
peu éclairés appelent la surproduction. 2
: Il n’y a pas surproduction lorsque les besoins humains ne sont pas
satisfaits. Il y a une production qui dépasse les moyens d’achat. Les
produits et animaux que l’on détruit depuis des années (café, sucre, blé,
animaux de boucherie) ou que l’on stocke inutilement (tissus, cuirs, ect.)
pourraient être consommés; mais ils ne peuvent être achetés. 3
: La disparition de cette possibilité d’achat vient du chômage causé lui-même
par la substitution accélérée du travail mécanique au travail humain. Il y a
augmentation croissante des produits et diminution constante des
consommateurs possibles. 4
: Cette contradiction met tous les producteurs, agricoles et industriels,
dans une situation sans issue, en effet : a
- s’ils utilisent à plein rendement tous les moyens de production, ils créent
l’abondance, mais cette abondance n’étant pas vendable, le système actuel des
prix s’effondre, la vente s’opère en solde au-dessous du prix de revient, et
c’est la ruine. b
- s’ils réduisent leur production,
s’ils mettent les machines au ralenti, ils ne peuvent plus amortir ni leurs
investissements en matériel, ni leurs capitaux d’exploitation, et c’est la
ruine. Selon
l’expression de Gustave Rodrigues, le régime actuel « produit de
l’abondance et distribue de la misère ». Il y a discussion sur les
solutions proposées. Que faire des chômeurs, des produits invendus ? On a
proposé des artifices, réduction du temps de travail sans réduction des
salaires, grands travaux (CGT), restauration du pouvoir d’achat des
travailleurs et du profit de l’industrie par le « prix social »,
arbitrairement fixés corporativement (Comité du Plan). Ces
artifices, inventés pour ne pas détruire la structure du régime sont en
réalité inapplicables dans une société capitaliste qui est obligée, par sa
nature et son fonctionnement, d’une part, de réduire la somme de salaire
incorporée dans tout travail, d’autre
part de n’entreprendre que des travaux rentables. L’économie distributive : ses objectifs. La
révolution à accomplir est celle qui fera passer l’humanité de l’économie
échangiste à l’économie distributive. Il ne s’agit pas seulement du régime
capitaliste lui-même, c’est le régime économique fondé depuis des millénaires
sur l’échange entre individus qui
est condamné par l’évolution scientifique, technique, économique et sociale. Le
socialisme échouerait s’il se bornait à un « changement de
propriétaire », il ne s’agit plus de socialiser les moyens de production
et « d’échange ». Nous avons
à supprimer les organes d’échange et à créer les organismes de distribution. Chaque
homme, héritier du bien social, a droit aux produits des biens sociaux. Toute
la législation sortie de la Révolution
française a été faite pour l’individualisme économique où chacun était
libre de faire ce qu’il voulait de sa force de travail ou de ses capitaux.
Cette législation est faite pour l’échangisme et la libre concurrence. Elle
ne reconnaît de droit aux produits qu’à celui qui dispose d’un moyen
d’échange, tiré du travail, des capitaux ou du revenu. Le
rôle historique de la législation révolutionnaire et napoléonienne a été de
briser la structure de l’économie corporative, féodale, royale et chrétienne,
qui était une économie à privilèges; où le droit de produire était concédé
par le prince, limité par les corps professionnels, et soumis à une morale
religieuse qui comprimait les appétits du consommateur. Le
droit économique proclamé par la Révolution, appelé par la révolution
industrielle commençante agonise aujourd’hui dans les contradictions
économiques analysées plus haut. Un nouveau mode de production le détruit. Ce
nouveau mode de production appelle un nouveau droit Ainsi
l’analyse de la réalité nous permet de découvrir le fondement juridique de la
nouvelle économie : a)
droit de la collectivité ou des collectivités à l’exploitation des moyens de
production; b)
droit égal de tout individu à participer à la conduite de cette exploitation; c)
droit égal de tout individu à bénéficier des résultats de cette exploitation; Ce
qui nous conduit tout naturellement à la distribution gratuite des produits. La nouvelle République Ni technocratie, ni socialisme d’Etat, ni démocratie de producteurs,
mais démocratie sociale de consommateurs par fédération de communes, puis de
peuples, jusqu’à l’humanité organisée. Il
ne s’agit plus de socialiser les institutions de l’économie actuelle, d’un
seul coup ou par étapes, il s’agit de créer une économie entièrement
nouvelle. Il ne s’agit pas non plus de substituer progressivement ou d’un seul
coup l’Etat-patron à la poussière de patron du capitalisme. Il s’agit de
créer une démocratie sociale effective, directe, avec gestion à la base,
comme l’exige le droit nouveau. Contre tout étatisme. Jusqu’ici
la plupart des écoles socialistes ont été impuissantes à concevoir la
réalisation pratique du socialisme sous une autre forme que celle de
l’étatisation. Or l’étatisme est contraire à la conception fondamentale du
socialisme qui voulait substituer justement l’administration des choses au
gouvernement des hommes. L’étatisme aboutit à une répartition des choses par
voie d’autorité et à travers un inévitable gouvernement des hommes. C’est
très exactement ce que tout humanisme nous interdit de réaliser. La solution pratique : la démocratie de consommateurs. Il
est simple de substituer l’Etat-patron et dictateur à tous les patrons du
capitalisme. Il l’est beaucoup moins de trouver les nouvelles formes de la
vie sociale. L’erreur
commise jusqu’ici par le socialisme non étatique, par le syndicalisme révolutionnaire,
par les anarchistes et communistes libertaires a été de penser qu’il fallait
réaliser la démocratie dans l’usine par l’élection directe des responsables
par les travailleurs. Une
démocratie de producteurs, générale ou cellulaire, est impraticable pour une
raison fondamentale, les nécessités de la production exigent à la direction
l’unité de responsabilité; Toutes
les difficultés tombent à partir du moment où l’on conçoit la société
socialiste comme une démocratie de consommateurs. Cette
démocratie de consommateurs qui sera beaucoup plus une démocratie sociale
directe qu’une démocratie économique n’aura pas pour objectif de diminuer la
production, de « résorber le chômage », de donner du travail aux
hommes. Elle aura au contraire comme objectif d’augmenter indéfiniment la
masse des produits consommables, d’accroître à cette fin la puissance
mécanique, et de diminuer parallèlement le temps de travail. La
société sera désormais conçue comme une fédération de coopératives communales
avec gestion à la base. L’économie distributive La commune représente la collectivité. Pour
l’économie distributive, l’ensemble des moyens de production est la propriété
indivise des sociétés humaines. C’est éminemment une propriété sociale, d’origine
sociale et à destination sociale. La part individuelle y est minime, la part
sociale s’accroît sans cesse. Quels
organes sociaux peuvent recevoir et gérer cette propriété collective ? Est-ce
l’état, ou les sociétés de producteurs, ou les sociétés de consommateurs ? Pour
les raisons qui ont été dites, nous écartons l’Etat, bien qu’on puisse le
concevoir comme gérant temporaire, ou même comme gérant permanent de
certaines portions de la propriété sociale. Puisque
nous voulons organiser la démocratie à la base, nous devons chercher l’organe
social primaire capable de recevoir l’héritage commun de l’humanité. A
proprement parler, il n’y a pas d’organe social capable d’hériter; la
propriété sociale, demeurant sociale, ne peut que conférer un droit à chaque
individu humain, le droit au bénéfice de tous les moyens de production. Par le seul fait de sa naissance, tout
individu entre en possession de ce droit. Ce n’est donc pas comme producteur
que l’homme entre en possession de ce droit. C’est comme consommateur. Qui le gère pour son compte ? Pratiquement,
le seul organe social qui paraît apte à la gestion, c’est le groupe humain
primaire : la commune. La
commune sera ainsi la coopérative générale des consommateurs, chargée de
gérer directement la portion de propriété sociale qui est sur son territoire.
C’est la commune qui sera ainsi héritière, comme gérante - non comme
propriétaire - de certaines fonctions exercées aujourd’hui par les
propriétaires des entreprises : droit de désigner des responsables, droit de
répartir les produits du travail. La
coopérative communale sera administrée par un conseil d’administration. Les
administrateurs ne devront pas être permanents. Les coopérateurs et leurs
délégués seront amenés à la désignation des plus compétents non en vertu de
leur propre compétence, mais à cause de leur intérêt. Ils seront dans la même
situation que les actionnaires des sociétés capitalistes qui reconnaissent la
compétence des administrateurs aux revenus qu’ils leurs assurent. Dans la
coopérative communale, les citoyens reconnaîtront la compétence des
administrateurs à la somme des produits qu’ils leur feront distribuer. Les
conseils d’administration des coopératives primaires délégueront des membres
au conseil d’administration des magasins de gros intercommunaux. Les
conseils des magasins de gros enverront à leur tour les délégués comme
membres de conseils d’administration des usines, lesquels nommeront les
directeurs-gérants. Ces
directeurs représentent l’usine dans les syndicats d’industrie. Dans chacun
de ces syndicats d’industrie, les syndicats du personnel seront représentés,
comme ils le seront dans le conseil intérieur de l’usine. A
proprement parler, il n’y aura plus de salaires; tout être valide devra un
temps de service déterminé, pour lequel il recevra une indemnité fixe;
l’émulation, l’acceptation de responsabilités spéciales devront être assurées
par des indemnités complémentaires. Les
indemnités de service étant versées à tous, il restera dans toutes les
exploitations des excédents de production de toute nature. Sur ces excédents,
un premier prélèvement sera fait pour les services non directement
productifs, travaux publics, habitations,
enseignement, justice, malades et retraités. Un second prélèvement
sera fait pour le renouvellement du matériel. Les soldes, qui constitueront
ce que l’on appelle aujourd’hui le bénéfice net, tous impôts déduits, et qui
vont aux actionnaires, iront aux coopératives qui, partout, remplaceront
juridiquement et réellement les actionnaires. Ces soldes seront en
marchandises et iront tout naturellement d’abord aux coopératives nationales
ou régionales pour arriver aux coopératives primaires, et enfin à chaque
individu. L’emploi
des moyens monétaires actuels n’aura plus aucun sens. Le système monétaire
actuel lié à l’économie échangiste; c’est une survivance des temps barbares. Dans
l’économie distributive, on devra partir de ce principe qu’il faut distribuer
chaque année tous les produits consommables dans l’année, mais que l’on ne
peut distribuer que cela; que, en conséquence, la quantité de bons (ou de
billets) à mettre en circulation doit représenter finalement cette masse de
produits, ni plus ni moins. En
conséquence, à toute mise en circulation de produits devra correspondre une
mise en circulation égale de bons et billets dont une partie ira aux citoyens
à titre de première indemnité, une autre partie aux services publics, et le
solde aux coopératives pour répartition entre elles, et enfin pour
attribution à chaque membre des coopératives primaires communale. Ainsi,
chaque individu sera titulaire, à sa coopérative de base, d’un crédit en
produits qu’il emploiera à sa convenance. Essayons de nous représenter aussi
précisément que possible le mécanisme
de l’économie distributive. A
la base est l’individu avec ses droits dont il ne consent que des
délégations. La formation sociale primaire est la commune, gestionnaire des
droits sur la propriété sociale dont l’individu hérite et dont il bénéficie
dans l’indivision. Par l’application de ce premier principe, la
traditionnelle organisation de l’Etat régalien est renversée. Quelles que
soient les centralisations nécessaires, elles seront toujours contrôlées à la
base. La
commune est l’organisme primaire de gestion coopérative de tous les biens et
services. Elle doit avoir son conseil communal général et ses quatre
sections, économique, culturelle, sociale et administrative. Le rôle du Conseil communal est d’assurer
la liaison de tous pour toutes les gestions communales et la liaison du corps
communal avec les autres corps. Les membres de la commune nomment le Conseil
de gestion de chaque section. Au
premier jour du règne de l’abondance, le vieux système monétaire est
supprimé. A la place des billets de banque représentant l’or enfermé dans les
caves de la Banque ou représentant une toute petite quantité de marchandises,
il est décidé, par l’assemblée des Communes, que désormais, il sera créé
exactement autant de certificats de production que les exploitations
sortiront de produits. Ni plus ni moins. Ces certificats de production seront
chiffrés au moyen d’une nouvelle unité de mesure (l’heure-travail par exemple) en francs
qui, au lieu de francs-or seront francs-marchandises, on dirait mieux des
francs-produits. Toute
usine, toute exploitation ayant achevé une production, la livrera à ses
usagers, leur présentera un certificat global de production, indiquant le
nombre d’heures-travail incorporées dans la livraison (tous amortissements
compris). Les usagers donneront leur signature pour certifier l’existence des
produits reçus. L’exploitation
portera alors son certificat au Bureau central comptable de la commune ou de
sa profession (Bureau remplaçant les banques locales actuelles), et le bureau
donnera sa signature pour certifier que l’usine et les usagers ont créé un
authentique certificat de production. Cette
authentification faite, l’exploitation recevra de l’Institut national
comptable (remplaçant la banque actuelle d’émission), des coupures du
certificat global de production. Ces coupures remplaceront les billets de
banque actuels. Mais au lieu d’être émis en représentation d’apports d’or,
ils seront émis en représentation des produits créés dans la proportion de 90
% (on retiendra 10 % pour les pertes éventuelles de produits dans la
circulation). Les
exploitations ayant produit auront donc, soit entre leurs mains soit dans les
Bureaux comptables, le montant des Certificats. Comme
le lecteur l’aura compris, ce que nous décrivons ci-dessus n’est rien d’autre
que le mécanisme de la circulation des billets de banque actuels, mais
circulant cette fois en représentation des produits créés, et arrivant entre
les mains du consommateur, non parce qu’il est un travailleur, mais parce
qu’il est cohéritier dans l’indivision de toute la machinerie gérée par les
communes. La vie nouvelle Nous
sommes dans une société sans classes et sans élite. Chacun, selon ses moyens.
Chacun de nous, associé par les liens les plus forts à la vie communale, ne
pourra changer de milieu social qu’en agissant sur son propre milieu. Nul
n’aura plus le désir de gagner un autre milieu social pour y
« paraître ». On ne « paraîtra » qu’en acquérant quelque
prestige parmi les siens. La
commune est la société humaine de base. En dehors d’elle, tous les liens
sociaux se forment par délégation et fédération. Fédération de communes pour
la Région. Fédération de régions pour la Nation. Fédération de nations pour
les grands systèmes continentaux. Fédération humaine enfin. A
l’échelon national, l’Etat, ou ce qui en subsistera. Plus exactement,
l’organisme de liaison et de coordination des services généraux et des plans
propres à un groupe ethnique ou à une fédération de peuples. Pour le gérer,
l’assemblée des Communes. Le
couple humain n’est fondé que pour le renouvellement de l’individu. L’enfant
qui vient de lui est un individu qui a, dès sa naissance, ses propres droits
d’individu. Il n’appartient qu’à lui-même. Il n’est ni à l’Etat, ni à la
collectivité, ni à ceux qui lui donnent le jour. Chaque enfant devra prouver
dans la commune les moyens d’être lui-même, dans les conditions qui avaient
été réservées jusqu’ici aux enfants des aristocraties. Le plan de transition Nos
objectifs généraux étant définis, nous savons désormais que notre objet est à
la fois celui du syndicalisme, celui de la coopération et celui du
socialisme, c’est-à-dire l’organisation d’une démocratie sociale à partir de
la base. Le premier acte de la révolution doit être la socialisation de la
Banque de France, des Banques et des industries de base. Il s’agit de
socialiser et non de nationaliser. Elle indique que l’on ne se borne pas à
transférer la propriété de ces organismes à l’Etat, mais qu’on va l’intégrer dans un nouveau
régime économique et social. Le
grand acte du nouveau régime sera la proclamation du droit nouveau qui ne
reconnaîtra ni l’individualisme, ni la libre concurrence, ni l’échangisme,
qui déclarera seules légitimes gestionnaires de l’économie les collectivités,
communes syndicats, coopératives et leurs fédérations et confédérations, et
qui définira leurs fonctions. |