Fragmentelles 2007

 

 

Communiqué de mars 2007 :

 

« Il est normal que cela fasse des dégâts ! ».

Corrigeons la formule : il se peut que cela amplifie les dégâts.

 

C’est toujours la même histoire.

Début de l’année 2007, la chute des actions chinoises entraîna un mouvement de repli boursier. Rebelote deux mois plus tard, toujours fragiles, les bourses des Etats asiatiques qui financent largement les déficits abyssaux américains (déficits publics, déficits commerciaux) perdaient plus de 2 % le 13 mars 2007, notamment. Tokyo Séoul, Hong Kong et Bombay. Par contagion, les bourses européennes et américaines reculèrent…

Tout ceci parce que les opérateurs des marchés financiers s’inquiétaient des défauts de paiement des accédants à la propriété immobilière aux Etats-Unis  Ces impayés atteignent presque 5 % de l’ensemble des crédits hypothécaires américains et touchent principalement les banques spécialisées dans les prêts immobiliers à haut risque accordés à la limite du raisonnable, mais particulièrement lucratifs. On les appelle des « subprime mortgages ». Bref, ces impayés ont déjà entrainé la faillite de nombreuses institutions de prêts, notamment New Century dont le cours de l’action fut suspendu dès le 12 mars afin d’éviter les effets domino et la panique des épargnants. Car de nombreuses banques ont également prêté des fonds à New Century dont la  Morgan Stanley pour 3 milliards de dollars et Bank of America pour 2 milliards de dollars.

On se veut rassurant. Pour certains, il s’agit là d’ajustements  qui viennent corriger un marché du logement, depuis longtemps livré aux spéculateurs, devenu aux Etats-Unis hors prix. (On a vu des informaticiens, techniciens ou chercheurs employés et SDF dans la Silicon Valley). La fameuse main invisible chère aux libéraux (justification citée à tort et à travers) vient de donner une gifle au système bancaire qui après avoir allumé le feu (en nourrissant la spéculation) vient aujourd’hui pleurer comme un gosse qui, livré à lui-même, joue aux allumettes et vient de se brûler. Le problème c’est qu’il risque de mettre le feu partout !  

Alors, comme le dit Harry Prelson, secrétaire du Trésor américain, il est normal que «cela fasse des dégâts », mais, s’il doit y avoir une crise « on en saura plus dans un mois ou deux » ; Ou, dans une autre version tout aussi édulcorée de J. Philippe  Cotis pour l’OCDE, « on a quelque-chose qui ressemble à un atterrissage en douceur de l’économie américaine »…. « ce qui ne veut pas dire qu’il n’y aura pas un jour un accident 1»  Pour d’autres encore,  les risques de contagion seraient atténués grâce à la titrisation des créances que les banques pratiques. La titrisation consiste à vendre la créance bancaire à des fonds d’investissement ou des fonds commun de créances. Elle permet de sortir la créance du bilan bancaire et d’en transférer partiellement les risques auprès des nouveaux investisseurs. Reste à savoir dans ce cas qui héritera des impayés. Chaque opérateur s’attache bien-sûr à en transférer.la charge sur d’autres jusqu’aux ultimes consommateurs et contribuables.

 

C’est toujours la même histoire.   Les crédits font les dépôts mais les dépôts risquent de ne pas faire suffisamment de crédits. Il peut s’en suivre une contraction des crédits (credit crunch), de la demande, une contagion de banques à banques et de banques à entreprise (risque systémique) d’un continent à l’autre, et une récession plus ou moins mondiale. Les gains tirés par quelques uns grâce à une politique mercantile du crédit engendrent la paupérisation du plus grand nombre. On sait que le métier des banques consiste à jouer sur les anticipations d’entrées et de sorties, sur les dépôts à venir et les crédits accordés, de façon à ce qu’elles soient en mesure de prêter plus de moyens de paiement au public qu’elles ne détiennent d’espèces en dépôt.. Mais les banques ignorent si ces dépôts se reconstitueront. C’est le risque qu’elles prennent qui peut entraîner des conséquences en chaîne, faillites et récessions  Mais c’est aussi le risque que le système financier s’empresse de transférer à la société qui paie la note, avec ses poches grandissantes de pauvreté, son chômage, son manque d’infrastructures et de services collectifs. Le système financier privatise les gains mais socialise ses pertes.

.Il génère un développement incontrôlé de crédits, des fuites de la monnaie du circuit économique, il favorise les hausses spéculatives et conduit à des transferts invisibles de richesses et à leur concentration au détriment du plus grand nombre. Il a alimenté la hausse du marché de l’immobilier aux Etats-Unis comme dans les métropoles européennes. Dès lors, les plus fragiles accédants à la propriété ne peuvent suivre les rythmes imposés par d’autres emprunteurs 2.

 

A l’heure électorale, les politiques se souviennent-ils encore qu’avant 1973 la Banque centrale avait l’obligation d’accorder à l’Etat des lignes de crédits sans intérêt ? A présent,  inversement, les collectivités publiques ont obligation de se financer à grands frais auprès des marchés financiers. Autres temps, autres moeurs, sans dette publique, sans chômage ni SDF.

 

Rendre à la Banque centrale son pouvoir exclusif de création monétaire en exigeant une couverture intégrale de tous les dépôts par de la monnaie centrale :

-  interdirait le financement de toute spéculation par des crédits ex nihilo,

- autoriserait l’émission d’une monnaie saine, nécessaire à la bonne marche de l’économie, sans intérêt et à échéance variable, voire permanente,

- permettrait de créditer l’ensemble de la population, à commencer par les plus démunis, et de financer sans intérêt des investissements publics comme le logement et bien d’autres infrastructures collectives.

 

 

Janpier Dutrieux

mars 2007

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1-« La crise du crédit immobilier américain déstabilise les marchés », Le Monde, jeudi 15 mars 2007

2- En France, selon une étude INSEE Notaires, + 86 % de hausse de 1996 à 2004 qui se répercute sur les baux commerciaux interdisant l’exploitation de commerces de proximité qui ne créent pas assez de valeur ajoutée.