Edito 05.2005 :

L'Europe aux ordres des hackers de la finance :

Non merci !

Contribution à la réunion d'Europae Gentes du 17 mai 2005


 

Une mémoire européenne.


 

Mesdames, mesdemoiselles, messieurs,


 

Je suis malhonnête. Je suis malhonnête, a-t-on dit des personnes de mon espèce.

Je suis malhonnête parce que je crois être européen et que je voterai non au référendum sur le traité de constitution de l'Union européenne.

En son temps, j'ai voté et milité pour le traité de Maastricht, car il s'agissait pour moi d'un soutien à la cause de l'Europe, malgré quelques articles qui me semblaient trop dogmatiques. Je pensais qu'ils seraient modifiés ultérieurement Il n'en fut rien. Les fondamentalistes libres échangistes et monétaristes sont toujours là.


 

Quand on a quelque mémoire, quand on a le souvenir de la Grande guerre et de la seconde guerre mondiale, on ne peut que défendre la cause européenne. Mais la mémoire ne doit pas être sélective. Il faut se souvenir de la situation qui engendra la seconde guerre mondiale, de la crise économique allemande des années 1930, consécutive en grande partie aux conséquences du krack de Wall street de 1929, lui même consécutif au départ précipité des capitaux de la Bourse de New York vers la cité londonnienne. C'est le libre échangisme qui a suscité le protectionnisme et provoqué la guerre ! Mais ces souvenirs ont été occultés de la mémoire des rédacteurs du traité constitutionnel.

De même, on ne peut oublier que la montée des communismes résulta de l'arrogance des actionnaires et des financiers et du mépris de l'ouvrier, devenu de masse, au 19e siècle, après la suppression des corporations, corps intermédiaire qui le protégeait. On était prolétaire et journalier comme on est CDD, flexible et délocalisé.

Le renard est toujours libre dans le poulailler libre.


 

Je crois pourtant que le génie et l'esprit européens sont tout à fait capables de concevoir autre chose qu'une constitution aux ordres de capitalistes internationaux et de financiers opportunistes, constitution qui asservit la France et l'Europe à « un empire de marchands  », dénoncé en d'autres temps par des voix qualifiés.

 

Le Traité établissant une constitution pour l'Europe, c'est 448 articles pour 4 grandes chapitres dans lesquels le mot concurrence est martelé 27 fois, celui de marché 78 fois, l'expression progrès social 3 fois et celle de cohésion sociale 2 fois.


 

Une économie sociale de marché.


 

Ce traité nous propose d'entrée (art. 1.3) « une économie sociale de marché hautement compétitive ».

Une économie sociale de marché, cela est rassurant. C'est un concept issu de la tradition allemande de l'après guerre, théorisé par Michel Albert en 1981 qui opposait le capitalisme rhénan au capitalisme anglo-saxon.

Il suggère que les pouvoirs publics peuvent soutenir des acteurs dont les missions s'avéreraient éminemment sociales, ou des services d'intérêt économique général, qui sont depuis le traité de Rome l'appellation retenue pour désigner les services publics marchands.

Mais cette dénomination d'économie sociale de marchés disparaît bien vite dans la suite du texte. Si vous allez dans le 2e chapitre qui traite de la politique économique et monétaire, vous trouverez affirmé par deux fois, (arts. 3.177 et 3.178) « le principe d'une économie de marché ouverte où la concurrence est libre ».

On va donc dire qu'il s'agit d'une économie, « légèrement » sociale, de marché qui devrait distinguer la politique économique européenne de la politique économique américaine.


 

Des soutiens publics plus chers qu'aux Etats-Unis


 

Le problème, c'est que les Etats-Unis ; quand ils veulent soutenir un secteur économique, riche en emplois ou essentiel à leur modèle culturel, n'hésitent pas à le financer directement par leur Banque centrale , la FED, avec des crédits sans intérêt et à long terme, en lui vendant des bons du Trésor.

Mais en Europe, le traité constitutionnel vient sacraliser le dogme monétariste du traité de Maastricht qui interdit à la Banque centrale européenne d'accorder directement des crédits aux institutions publiques. Les Etats nationaux, les régions et les organismes publics devront donc financer au prix fort leurs investissements et soutiens à certains secteurs, auprès de Banques commerciales et d'épargnants privés, souvent extérieurs à l'Union européenne. Pour avoir une économie compétitive comme le souhaite le traité (art. 3.209), on fait mieux !!

Pour résumer cette différence, disons que les américains n'ont pas d'économie sociale de marché dans leur constitution, mais qu'ils n'ont pas institutionnalisé la connerie. Nous, on a osé !

Comment, dans ces conditions, mener une politique industrielle ? une politique agricole ? une politique de l'emploi ? une politique des revenus ? Toute régulation politique devient impossible. Le marché est le maître absolu et l'Homme est nu !

Comment aussi mener une politique du logement social, et du logement tout court, quand les spéculations immobilières par achats par lots et revente à la découpe alimente la hausse de ce marché en Europe et enchérit le prix de vente et de location des biens immobiliers au détriment des plus fragiles, des plus démunis et des classes moyennes.


 

Contraintes monétaires et contraintes budgétaires = croissance nulle.


 

Les services publics marchands (ou d'interêt économique général) seront également soumis à ces règles de financement afin de ne pas fausser la concurrence. Ils ne pourront pas recevoir d'aides publiques sous quelque forme qui puissent fausser ou menacer de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions (art. 3.167).

Par exemple, le Livret A fausse la concurrence, les HLM faussent la concurrence, le SMIC fausse la concurrence. Liste non exhaustive.

En fait, tous les grands projets, tous les grands travaux, se financeront au prix fort auprès des marchés fiuanciers. Ce qui a fait dire à Joseph Stiglitz, prix nobel d'économie américain 2001, qu'il ne comprenait pas la rigidité monétariste des européens. On le comprend !


 

- Il ne s'agit pas, bien-sûr, de souhaiter un partage des richesses par l'inflation. Bien sûr que non. Il s'agit de substituer à l'émission onéreuse de crédits par les banques commerciales des émissions de crédit gratuit accordé par la Banque centrale européenne ; de sorte que des nouvelles richesses, de nouveaux emplois, soient financés sans frais pour les citoyens, pour les contribuables. Puisqu'en définitive, c'est eux, c'est nous, qui payons les intérêts de ces emprunts aux zinzins, les investisseurs institutionnels, banques commerciales, compagnies d'assurances, sociétés multinationales et fonds de pensions. En France, le paiement de ces intérêts s'élève à 14 % du budget de l'Etat, près de 75 % de l'impôt sur le revenu. C'est, il faut le souligner, le seul poste budgétaire qui augmente. On engraisse des rentiers mais on étouffe de jeunes entrepreneurs et entretient le chômage....

- Il ne s'agit pas non plus de faire de la relance keynesienne mal comprise, en augmentant les dépenses de fonctionnement des budgets publics comme cela s'est fait lors du gouvernement de M. Mauroy. Non ! Il s'agit d'accroître les budgets d'investissement des organismes publics comme les communes et les régions.

On sait en effet (Jacques Méraud, fondateur du premier Centre d'études des revenus et des coûts, a écrit des tas de papiers sur la question ) que les administrations locales consacrent près de 25 % de leur budget à l'investissement (les Etats nationaux n'en consacrent que 2 %) et que ces investissements locaux entraînent des vagues de croissance. Dans ce cas, ce n'est pas la croissance qui entraîne l'investissement, c'est l'investissement, s'il est local, qui en est à l'origine. C'est moins compliqué que la poule et l'oeuf, mais apparemment, certains esprits n'ont pas assimilé.

Nous avons donc ici en fait, chers Amis, une solide argumentation économique en faveur du principe de subsidiarité. Mais encore faut-il pouvoir l'appliquer.

Or, on sait que sans aucun discernement, les critères de convergences budgétaires énoncés dans le traité de Maastricht, à l'origine, pour faciliter l'adoption par les Etats de la monnaie unique, ont été pérennisés dans le traite constitutionnel. On admet donc une valeur plafond de 3 % du Produit intérieur brut pour les déficits budgétaires et de 60 % pour les dettes publiques. Et tout ceci parce qu'on ne distingue aucunement entre un endettement chargé de financer l'investissement et celui chargé de financer le fonctionnement.

Dans ces conditions le retour de la croissance n'est pas pour demain. Cette rigidité budgétaire fut pourtant qualifiée de stupide par Romano Prodi, président de la commission européenne, qui sait de quoi il parle puisque, comme vous le savez, l'Italie est entrée en récession, les Pays Bas aussi d'ailleurs, et nous sommes tous sur la même voie.


 

Servir le capital financier au détriment des peuples.


 

Il faut donc tirer une conclusion de cet aveuglement des rédacteurs du traité : C'est une constitution faite pour des possédants, des rentiers européens, mais également non européens qui, par un individualisme libéral irréfléchi ou inconscient, pour le moins je l'espère, et égoïste, refusent à la jeunesse le pouvoir, donc le droit, d'obtenir un emploi décent, un logement, de fonder une famille, et pour tout dire d'espérer que demain sera mieux qu'hier.


 

Il faut plaire au créancier au détriment de l'entrepreneur. Il faut que le capital financier engrange toujours davantage, même au prix de licenciements, de délocalisations, d'adaptations et de déracinements. Il faut que l'emploi soit flexible. Et pour cela le traité entend promouvoir des « marchés du travail aptes à réagir rapidement à l'évolution de l'économie » (art. 3-203).


 

On laissera survivre à la marge des initiatives privées pour se donner bonne conscience, comme les micro-crédits initiés en France par l'ADIE, les placements éthiques initiés par la NEF, les SEL, alors qu'il eut fallu s'en inspirer pour construire un autre modèle économique pétri d'humanisme

La permanence de tous ces réseaux présents dans la quasi totalité des pays de l'Union atteste en effet des graves déficiences, voire des tares, du modèle économique que les rédacteurs du traité entendent graver dans le marbre constitutionnel.....

Une société ne s'apprécie pas à l'aune de ces coffres forts mais à la demeure des plus démunis..


 

La cohésion sociale oubliée.


 

On va donc également, et bien timidement « reconnaître le droit à une aide sociale et à une aide au logement (...) afin de lutter contre l'exclusion et la pauvreté (art..94, al.3) ».

Si l'on compare cet énoncé à celui de la Déclaration universelle des droits de l'homme de 1948, il semble bien que ces droits sociaux se sont réduits dans le Traité constitutionnel puisque la Déclaration de 1948 soulignait que « toute personne a droit à un niveau de vie suffisant pour assurer sa santé, son bien-être et celui de sa famille, notamment pour l'alimentation, l'habillement, le logement, les soins médicaux ainsi que les services sociaux nécessaires » (art. 25.1) .

Et pourtant, je puis vous dire que de nombreuses personnalités, associations aussi bien caritatives que militantes, ont fait valoir leurs arguments, ont fait pression auprès des rédacteurs pour que soit entendue la voix des plus démunis, des plus fragiles d'entre nous. Et au sein d'une association à laquelle j'appartiens , nous avions bien cru être entendu, et notre demande acceptée.

Nous demandions et demandons encore :

- premièrement, qu'à l’instar des 4 critères économiques et financiers du traité de Maastricht, soit inscrit dans le traité de l’Union Européenne une obligation mesurable, et assortie de sanctions  économiques, afin de contraindre  les Etats Membres à réduire, année après année, leur taux de pauvreté. Cette obligation serait mesurée à partir des indicateurs élaborés par le Programme des Nations Unies pour le Développement Humain (PNUD) ;. (1)
- deuxièmement, qu'un rapport de la Commission européenne soit publié chaque année sur les progrès des Etats membres en la matière.

Et ce double objectif fut approuvé expressément par huit partis politiques français. Mais... parles toujours, tu m'intéresses.... et la caravane passe....

La dictature du court terme confortée.

Ce traité institutionnalise la prééminence de la finance sur l'humanité.

A cet égard, il peut se montrer très contraignant pour nous obliger à plier devant la sacro sainte rentabilité du capital, d'autant plus rentable, selon le dogme, que ce dernier est nomade. L'article 3-156 indique ainsi que « les restrictions tant aux mouvements de capitaux qu'aux paiements entre les Etats membres et entre les Etats membres et les pays tiers sont interdites ». Autrement dit, la liberté de mouvement des capitaux est assuré à l'intérieur de l'Union comme à l'extérieur, sans aucune condition ni restriction. Bien-sur, précise l'article suivant, le Conseil européen peut établir des restrictions mais elles devront être votées à l'unanimité.

C'est l'obéissance aveugle au mythe libre échangiste et libre affairiste. Rien n'interdira demain, encore moins qu'aujourd'hui, à des capitaux étrangers de se placer 3 jours sur une place financière européenne et de partir ensuite à Tokyo, New York ou New Delhi. Toutes les mesures tendant à réduire cette volatilité à court terme des capitaux, (dont on connaît les dégats causés sur la stabilité mondiale) comme la taxe Tobin (mais Attac se prononce pour le non et reste conséquent) ou les projets de taxation sur les mouvements spéculatifs à court terme du président de la République, deviennent du coup anticonstitutionnels.

En définitive, ce traité conforte la culture du court terme contre le long terme. Il fortifie l'habitude prise ces dernières années par les actionnaires et gestionnaires de capitaux, propriétaires du capital financier, de se conduire comme des locataires indélicats, sans feu ni lieu, qui partent à la cloche de bois.


 

Aux ordres de la finance : la preuve par le traitement du droit à l'emploi.


 

J'ai dit, et je le répète, que cette constitution interpréte à la lettre (et non savons que « la lettre tue et l'esprit vivifie ») et de façon extrémiste une théorie économique qui sacrifie la personne sur l'autel de la finance. Je vais ici vous le démontrer.

Il suffit pour cela de comparer le traitement qui est fait aux contraintes budgétaires et monétaires d'une part, et d'autre part celui qui est fait aux droits sociaux.

D'un côté, le traité nous fournit des règles, comme nous l'avons vu, très précises, très pointues et très contraignantes en matière de politique monétaire, de politique budgétaire, d'obligation de laisser s'échanger et de laisser faire ;

D'un autre côté, il ne donne aucune obligation en matière de lutte contre la pauvreté et de cohésion sociale. En fait, les règles financières supposent une stricte observance sous peine de sanction alors que les droits sociaux ne sont que des objectifs. Une carotte promise si les petits européens sont sages !

Exemple : Le traité précise que « toute personne à le droit de travailler et d'exercer une profession librement choisie ou acceptée » (art. 2.75). Or nos constitutions de 1946 et 1958 affirmaient en revanche que chacun « a le devoir de travailler et le droit d'obtenir un emploi ».

Autrement dit, le traité reconnaît, certes, le droit à chacun de travailler et d'exercer une profession mais il ne reconnaît pas le droit à un emploi rémunéré. Pourquoi ?

Et bien, parce qu'il s'agit d'un difficile compromis. « Certains Etats, nous dit un grand média , comme la Grande Bretagne et plusieurs pays nordiques, ont estimé que le droit à l'emploi (qu'il ne faut pas confondre avec le droit de travailler - on peut travailler dans son jardin, être utile aux autres, et ne pas en vivre) doit être considéré comme un objectif politique et non comme un droit susceptible d'être invoqué devant une juridiction .»  La carotte dont je vous parlais.

On est obligé de recevoir des coups de bâton avec l'obligation de payer aux marchés financiers et aux banques commerciales une taxe de seigneuriage, pour créer des richesses, des entreprises et des emplois. Mais, en revanche, le droit de travailler reste une très lointaine carotte car l'obtention d'un emploi n'est qu'un objectif souhaitable.

Juridiquement, ce droit de travailler ne peut être invoqué devant un tribunal car il s'agit d'un droit individuel non imposable à un Etat. En revanche, la formule des constitutions de 1946 et 1958 : « chacun a le devoir de travailler et le droit d'obtenir un emploi » est un droit collectif qui oblige l'Etat à une obligation de moyens, selon une jurisprudence de 1983. Il ne fallait donc pas en reprendre les termes.

Il eut été plus judicieux d'être comme les Américains qui obligent leur Banque centrale, dans ses statuts, à coté du maintien de la stabilité des prix, à mener une politique monétaire concourant au plein emploi. On cherchera en vain une telle obligation dans le statut de la Banque centrale européenne ou dans les articles de la constitution consacrés à la politique monétaire. La copie est à revoir !


 

Ainsi, vous le voyez, il y a deux poids et deux mesures .


 

Comment ne pas penser alors à la phrase de Pie XI dans Quadragesimo anno (1931): « Ce qui à notre époque frappe tout d'abord le regard, ce n'est pas seulement la concentration des richesses, mais encore l'accumulation d'une énorme puissance, d'un pouvoir économique discrétionnaire, aux mains d'un petit nombre d'hommes, qui d'ordinaire ne sont pas les propriétaires mais les simples dépositaires et garants du capital qu'ils administrent à leur gré. Ce pouvoir est surtout considérable chez ceux qui, détenteurs et maîtres absolus de l'argent, gouvernent le crédit et le dispensent selon leur bon plaisir. Par là, ils distribuent le sang à l'organisme économique dont ils tiennent la vie entre leurs mains, si bien que, sans leur consentement, nul ne peut plus respirer ».


 

L'ineptie libre échangiste.


 

Enfin et pour terminer, comment ne pas pleurer sur l'aveuglement des théoriciens et experts constitutionnels quand ils réaffirment et gravent des principes de libre échange mondialistes et suicidaires au nom d'un libéralisme outrancier.

Le traité demande à la Commission de s'inspirer « de la nécessité de promouvoir les échanges commerciaux entre les Etats membres et les pays tiers » (art. 3.151, al.6), et oblige l'Union à contribuer « dans l'intérêt commun, au développement harmonieux du commerce mondial, à la suppression progressive des restrictions aux échanges internationaux et aux investissements étrangers directs, et à la réduction des barrières douanières et autres » (art. 3. 314).

Là encore le dogmatisme et l'aveuglement idéologiques sont patents. L'énoncé est extrémiste, fondamentaliste, irrationnel.

La théorie des coûts comparés, énoncés par David Ricardo avec bon sens, voici deux siècles, est dénaturée. Elle proposait simplement d'échanger entre des pays ayant le le même niveau de développement économique et social des produits pour lesquels ils avaient des avantages comparatifs permanents. Dans son exemple, l'Angleterre échangeait de la laine contre du vin portugais.

Il ne s'agissait pas d'ouvrir à tous les vents les frontières à des produits où les avantages comparatifs ne seraient pas définitifs.

Il est normal, en Europe, d'échanger des produits tropicaux contre des produits européens car nos climats ne permettent pas cette production : ces avantages comparatifs sont permanents.. Et dans ce cas, chacun y gagne.

Mais il est anormal et stupide d'obliger des pays à laisser entrer et favoriser la vente de produits étrangers issus d'activités bénéficiant d'avantages comparatifs conjoncturels, passagers, comme c'est le cas avec les industries textiles, et de bien d'autres activités, comme l'agriculture.

Le Traité de Rome ne se concevait pas dans le cadre d'un libre échange mondialiste. L'Europe devait se construire dans le cadre d'une préférence communautaire, abandonnée à la fin des années 1980. C'est ce que Maurice Allais, nobel d'économie 1988, n'a cesse de nous rappeler .

En effet, ce libre échange mondialiste compromet l'activité de pans entiers de l'économie européenne et française. Il est fondamentalement anti-européen. Car ces abandons progressifs de pans de production génèrent des dommages, certes financiers et industriels, mais aussi humains, psychologiques et sociaux qui dégradent considérablement le niveau de vie, mais également la qualité de vie des populations européennes.


 

Comment par ailleurs l'Union européenne peut-elle prétendre au libre-échange alors que certains pays protègent leur production en réduisant volontairement la valeur de change de leur monnaie. Du coup, la valeur de leurs exportations en euros diminue et celle de nos exportations augmente.

Vous aurez reconnu les Etats-Unis qui usent de cette rente de monnaie faible tout comme bien sûr ses principaux créanciers, notamment la Chine, dont la monnaie, le yang, est indexé sur le dollar pour envahir les marchés.


 

Le traité ne dit pas un mot sur les délocalisations, qu'elles soient intérieures ou extérieures à l'Union. Et pour cause !

J'ai entendu des personnalités considérées comme qualifiées dire que « les délocalisations sont de bonnes choses, car, à terme, les ouvriers des pays de nouvelles localisations, vont aussi pouvoir nous acheter des machines. C'est la thèse pas du tout comprise du déversement d'emplois de Jean Fourastié que l'on nous sert ici. Dans les années 1960, Jean Fourastié estimait que les progrès techniques faisaient mourir des usines et des emplois, mais en créaient d'autres. Ainsi l'emploi se déversait d'un secteur, d'une branche à une autre. Et il avait raison.

Mais ici, ce n'est pas le progrès technique qui exige ces déversements d'emploi, c'est la course au moins disant social, au plus bas coût de production. On va réinventer l'esclavage, et ce sera facile, la caste des intouchables sera la main d'oeuvre de demain, prête à travailler bénévolement.


 

J'en ai terminé. Et vous avez compris que je voterai non à ce projet de constitution pour l'Europe.

La vieille Europe a déjà donné. Elle a trop eu ses champs dévastés par les soldats. Elle ne supportera pas longtemps d'avoir ses ateliers ravagés par des prédateurs sans racine ni mémoire...

Je vous remercie.

Janpier Dutrieux,

le 17 mai 2005

 

1 - Jacques ChIrac, maire de Paris et Président du RPR, Hôpital Cochin, le 6 decembre 1978.

2 - Jacques Méraud, Etudes sur la dépense publique en France, évolution sur trente ans et comparaison internationale, CES 1994.

3 - Comité Pauvreté et politique

4 - selon les travaux d'Amartya Sen, prix nobel d'économie 1998.

5 - Le Monde, Oui/Non Les arguments pour choisir, hors série, mai 2005;

6 - Maurice Allais, Combats pour l'Europe 1992-1994, Clément Juglar 1998.

   

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