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48 – avril
2001 Pour l’adoption d’une résolution européenne de réduction des pauvretés. Pauvreté, Précarité, Exclusion La pauvreté, notion non exhaustive, est analysée en France, comme la manifestation d’une insuffisance de ressources, en fonction de 3 indicateurs : monétaire, des conditions de vie et administrative. La précarité est interprétée comme la fragilité des situations qui constitue un risque pouvant conduire à la pauvreté. Elle peut être définie mais aucun instrument ne peut encore la mesurer. L’exclusion révèle, pour l’Union européenne, la dénégation ou non respect des droits fondamentaux, notamment des droits sociaux fondamentaux « à une certaine qualité de vie minimale, à participer aux principales institutions sociales et professionnelles ; droits parfois, mais pas toujours exprimés en termes juridiques ». Les indicateurs de
la pauvreté : Notions de seuil,
de taux et d’intensité L’indicateur monétaire : Le seuil de pauvreté est fixé, par convention, à la moitié du revenu médian, c’est-à-dire à 50 % du revenu qui sépare la population en deux parties égales, l’une percevant moins, et l’autre davantage. La pertinence de cet outil est limitée aux ménages vivant dans un logement « ordinaire », ce qui par conséquent exclut les personnes vivant en institution et les personnes sans domicile. Le seuil de pauvreté monétaire est une valeur relative. C’est une partie fixe (généralement 50 %) du revenu médian, s’il augmente, le seuil de pauvreté augmentera mécaniquement. «Le seuil de pauvreté évolue lui-même avec la croissance des revenus par unité de consommation pour l’ensemble de la population. Tout en améliorant en termes absolus la situation des ménages au-dessous du seuil, la croissance économique peut, dans le même temps, maintenir, voire créer, plus d’inégalités en termes relatifs, si parallèlement les ménages non pauvres connaissent également une amélioration plus importante de leurs ressources 1. » Ainsi, en francs constants 1996, le revenu médian de la population était, en 1970, de 4216 F, le seuil de pauvreté de 2108 F. En 1996, le revenu médian était de 7000 F et le seuil de pauvreté de 3500 F (533,57 euros) pour une personne et de 5250 F pour un couple. Compte tenu d’une inflation de 4 % environ depuis, il est estimé à 3650 F en 2001. Rapporté au pouvoir d’achat qu’il contenait les années antérieures, le seuil de pauvreté monétaire s’est donc amélioré. Ce seuil est très sensible et influence fortement le taux de pauvreté, c’est-à-dire le pourcentage de la population qualifiée de pauvre. Ce taux peut dépendre du niveau donné à son seuil (40, 50 ou 60 %) comme le moindre le tableau ci-après. Taux de pauvreté en France 1996 en
fonction de différents seuils.
source : INSEE/DGI
Revenus fiscaux 1996 Mais à seuil constant, le taux de pauvreté dépend de la dispersion des revenus. Selon que les écarts entre les bas revenus et les revenus élevés se réduisent, se stabilisent ou s’accroissent, il diminuera, stagnera ou augmentera.. Ainsi, le taux de croissance de l’économie peut être élevé et le taux de pauvreté rester stable, voire même s’accroître. Par exemple, si les gains de la croissance sont ventilés en proportion des revenus individuels des agents, le taux de pauvreté restera identique, s’ils sont répartis de façon uniforme par personne, il diminuera. Entre 1979 et 1990, avec l’accroissement du chômage, relativement au revenu médian, les bas revenus (dernier décile) diminuèrent, tandis que les revenus les plus élevés (premier décile) stagnèrent. Puis, après 1990, avec la forte dégradation du marché du travail et des conditions d’indemnisation, les inégalités s’amplifièrent avec une chute des revenus les plus bas et un accroissement des plus élevés. Le taux de pauvreté de la population totale était de 15,7 % en 1970 et de 7,1 % en 1984, mais sa structure n’est plus du tout la même. L’indicateur de « condition de vie » : Mis au point par l’INSEE, il se fonde sur 28 indicateurs élémentaires de conditions de vie dans lesquelles les ménages ressentent des difficultés (confort logement, endettement, consommation, équipement…) qui permettent de construire une échelle globale de difficultés. En 1999, 9 % des ménages étaient confrontés à 9 difficultés de conditions de vie, 12,6 % à 8 et 16 % à 7. Le taux de pauvreté en termes de conditions de vie a diminué de 1997 à 1999, passant de 13,2 % à 11,9 % et a, semble-t-il, bénéficié aux plus pauvres. L’indicateur de pauvreté administrative : Il chiffre le nombre de ménages bénéficiant de mesures de solidarité nationale au titre des minima sociaux, au nombre de 8, créés progressivement pour pallier les lacunes de la protection sociale afin qu’ils atteignent un seuil minimal de ressources. Cet indicateur est très influencé par la législation sociale. Par exemple, comme les jeunes de moins de 25 ans ne bénéficient pas du RMI, ils ne sont pas comptabilisés dans cette définition. Depuis la reprise 1997, on constate une stabilité de la pauvreté monétaire, légère baisse de la pauvreté en termes de condition de vie et diminution, à partir de 2000, de la pauvreté administrative. L’intensité de la pauvreté est définie par l’INSEE comme l’écart entre le revenu moyen des pauvres et le seuil de pauvreté monétaire. Aux Etats Unis : Une approche
absolue En France, la mesure de la pauvreté monétaire est plutôt une mesure d’inégalité relative des revenus. Aux Etats-Unis, la mesure de la pauvreté monétaire répond à une approche absolue mais mesure davantage l’inégalité relative des revenus. Le taux de pauvreté américain est un pourcentage de personnes (inversement à la conception européenne qui considère des ménages) vivant en dessous de seuils absolus de pauvreté. Ces seuils sont calculés en fonction d’une évaluation de la quantité de nourriture nécessaire à chaque type de famille. 48 seuils sont ainsi définis en fonction de la taille et de la composition des ménages. La quantité nutritive est valorisée et multipliée par un coefficient qui tient compte de la part de l’alimentation dans le budget moyen. Ce seuil est revalorisé chaque année en fonction de la hausse des prix. Le taux de pauvreté semble avoir augmenté aux Etats-Unis depuis 25 ans mais tend à baisser depuis 1994. Il était de 12,7 % en 1998. Qui est pauvre ? Structures de la pauvreté. La notion de pauvreté est attachée au ménage alors que la possession d’un emploi est lié à l’individu. Elle est influencée par l’absence ou l’irrégularité de l’emploi d’un ou des membres du ménage depuis 1970, la structure des populations pauvres a évolué. Il y a 30 ans, la pauvreté touchait essentiellement les populations retraitées, aujourd’hui, elle diminue chez ces populations mais augmente chez les jeunes de 15 à 25 ans, les chômeurs, les étrangers, et atteint les salariés, notamment avec le développement du travail précaire et du temps partiel non choisi. Les salariés peu qualifiés sont de plus en plus nombreux à vivre sous ce seuil 2. Leurs revenus étaient constitués pour 16 % des prestations sociales en 1970 et de 70 % en 1996, ce qui démontre l’accroissement de la politique redistributive de la France 3. La pauvreté des ménages de salariés ou de chômeurs s’est aggravée depuis le début des années 90, alors qu’elle était stable auparavant. 30 % des ménages âgées de plus de 65 ans étaient en 1970 sous le seuil de pauvreté monétaire, ils n’étaient plus que 4,8 % en 1996. Parmi les ménages de moins de 60 ans, l’inactivité et les charges de famille constituent les deux facteurs essentiels de la pauvreté. Le taux de pauvreté, élevé pour les familles monoparentales dont le chef de famille est majoritairement une femme, est supérieur à la moyenne pour les moins de 30 ans (19,7 %). Toutefois, cet indicateur ne peut prendre en compte l’aide éventuelle apportée par la famille si celle-ci n’est pas déclarée fiscalement. C’est dans les zones rurales que le taux de pauvreté reste le plus élevé sans pour autant atteindre 10 % en 1996 (contre plus de 30 % en 1970) et dans la région parisienne qu’il est le plus bas. Cependant, dans les agglomérations de plus de 20.000 habitants, un ménage sur 6 éprouve des difficultés de conditions de vie, contre 1 sur 10 dans les unités urbaines plus petites. La lutte contre la
pauvreté en Europe En 1996, le taux de pauvreté en Europe, fondé sur un questionnaire harmonisé auprès de 12 pays, était de 11,8 % avec des écarts évoluant entre 5-6 % au Danemark et en Irlande et 17-18 % au Portugal et en Grèce. La pauvreté se caractérise par une fréquence plus élevée chez les familles nombreuses, les familles monoparentales, les personnes seules ou âgées. La politique de lutte contre la pauvreté est composée dans les Etats membres, à l’exception de la Grèce, par la garantie d’un revenu minimum et par une allocation exceptionnelle en cas de circonstances particulières : - La garantie de ressources minimales est en principe réalisée avec des allocations différentielles comme le RMI, (Minimex, Income support, RMG, Socialbidrag). Ces revenus sont versés jusqu’à un plafond de ressources. D’autres revenus différentiels peuvent venir compléter les revenus du travail (en France, la période de cumul d’un salaire et d’un minimum social sera portée à 6 mois à compter de septembre 2001. Pour l’instant, les allocataires du RMI ou autres minima sociaux ne peuvent cumuler leurs prestations avec un revenu du travail que pendant 3 mois.) Ils sont en principe, sauf en Italie, illimités dans le temps. Ces allocations conditionnelles atténuent, voire suppriment petit à petit les distinctions culturelles entre les droits à l’aide sociale et le droit du chômage en autorisant de compléter un salaire avec un revenu social différentiel. - Les aides circonstantielles, ponctuelles, s’adressent généralement à un public limité, et restent peu articulées entre elles et les autres formes de revenus sociaux. La lutte contre la pauvreté : Quelques rappels historiques : - En 1948, la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen des Nations Unis affirme que « toute personne en tant que membre de la société (…) a droit à la sécurité (…) en cas de perte de ses moyens de subsistance, par suite de circonstances indépendantes de sa volonté ». - En 1961, la Charte Sociale européenne et ses protocoles additionnels applicables aux 47 Etats du Conseil européen prévoient que les Etats « s’engagent à veiller à ce que toute personne qui ne dispose pas de ressources suffisantes et qui n’est pas en mesure de se procurer celles-ci par ses propres moyens ou de les recevoir d’une autre source, notamment par des prestations résultant d’un régime de sécurité sociale, puisse obtenir une assistance appropriée et, en cas de maladie, les soins nécessités par son état ». Ces normes, indicatives, « programmables », ne peuvent s’inscrire sur une discrimination fondée sur la nationalité. Ainsi, l’arrêt Gaygusuz de la Cour européenne des Droits de l’Homme de1996 stipula qu’une « allocation d’aide d’urgence constitue un droit patrimonial qui ne saurait être assorti d’une condition de nationalité ». - En 1966, le Pacte international relatif aux droits économiques et sociaux de l’ONU déclare que « les Etats parties au présent Pacte reconnaissent le droit de toute personne à un niveau de vie suffisant pour elle-même et sa famille, y compris une nourriture, un vêtement et un logement suffisants, ainsi qu’à une amélioration constante de ses conditions d’existence ». La loi du 1er décembre 1988 relative au Revenu minimum
d’insertion créa le Conseil national
des politiques de lutte contre la pauvreté
et l’exclusion sociale. La loi contre l’exclusion du 29 juillet 1998 précise que « Tout chômeur âgé de 16 à 25 ans ou tout chômeur de longue durée rencontrant des difficultés d’insertion professionnelle a le droit à un accueil, à un bilan de compétences, et à une action d’orientation professionnelle (art.4) ». Elle précise que « les personnes bénéficiaires du revenu minimum d’insertion (RMI) (…) peuvent cumuler cette allocation avec les revenus tirés d'une activité professionnelle salariée ou non salariée (art.9) », et considère également que l’illettrisme constitue une priorité nationale, et crée l’Observatoire national de la pauvreté et de l’exclusion sociale. La perspective d’un
plan européen de lutte contre les exclusions. Le Traité de l’Union Européenne (UE) de Maastricht permet d’adopter des mesures communautaires destinées à encourager la coopération entre Etats membres afin de lutter contre l’exclusion sociale. Toutefois, avant 1998, 4 programmes européens « pauvreté » chargés de financer des ONG (Organismes non gouvernementaux) furent arrêtés, faute de base juridique. Cette base fut donnée à L’UE par le traité d’Amsterdam de 1998. Lors du sommet de Lisbonne de 2000, les 15 chefs de gouvernements des Etats membres proposèrent « de prendre des mesures pour donner un élan décisif à l’élimination de la pauvreté ». 20 objectifs de lutte contre la pauvreté furent proposés autour de 4 axes : permettre l’accès au logement salubre, à l’éducation, à la justice, prévenir le surendettement, soutenir les personnes handicapées. Puis le 7 et 8 décembre 2000, lors du sommet de Nice, le principe de « plans nationaux d’action pour l’inclusion » de 2 ans dans le cadre de chaque Etat fut adopté. Ces plans nationaux seront examinés le 1er juin 2000. Cette démarche à laquelle les acteurs associatifs sont invités à participer est inédite pour de nombreux Etats. Le Réseau Européen des associations de lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale (REALPES) fédère ces associations notamment, en France, le réseau Alerte qui réunit 40 associations 4. Enfin, les 15 ont demandé au Conseil européen de Stockholm du 23 et 24 mars 2001 une définition européenne commune de la pauvreté. Sans pour autant prévoir de transfert de compétence des Etats vers les institutions communautaires en matière d’aide sociale, cette démarche devrait les inciter à mener des actions pertinentes et cohérentes contre la pauvreté en suivant des lignes directives dans le respect des cultures sociales de chacun. Réduire la pauvreté monétaire C’est dans cet esprit que j’ai associé FRAGMENTS Diffusion à la pétition lancée par le Comité Pauvreté et Politique sur l’idée de son Président Bertrand de Kermel 5, à l’attention de Madame Nicole Fontaine, Présidente du Parlement européen. Cette pétition, dont nous partageons l’intention, demande que l’Union Européenne adopte une résolution ayant pour objectif la réduction du taux de pauvreté des Etats membres. Or, comme il fut expliqué ici, la réduction du taux de pauvreté implique de resserrer la dispersion des revenus et les écarts entre les déciles extrêmes. Mais le relèvement des bas salaires ou celui des prestations sociales augmenterait le coût du travail et les prélèvements obligatoires. Il ne serait pas économiquement neutre, il influencerait les acteurs et les marchés, s’exercerait au bénéfice des uns et au détriment des autres, et en définitive, réduirait la productivité du travail, et par là le potentiel de prospérité à partager. C’est pourquoi je soutiens l’idée d’un revenu additionnel, inconditionnel, distribué à tous comme un dividende du progrès, de la croissance économique, de l’héritage patrimonial culturel et matériel, financé par une réforme monétaire. Ce dividende, en principe et sous certaines conditions, uniforme, représenterait beaucoup pour ceux qui ont peu et peu pour ceux qui ont beaucoup. Il réduirait ainsi mécaniquement la dispersion des revenus entre les écarts extrêmes et le revenu médian tout en n’influençant pas les marchés. Mais pour parvenir à ce constat et le partager, encore faut-il avoir l’ambition de réduire effectivement, puis efficacement, le taux de pauvreté. C’est le premier combat à mener. Celui auquel nous vous convions à l’aide de la pétition jointe à cette lettre. Nos lecteurs pourront aisément la reproduire, la faire circuler, et dûment signer, puis l’adresser à Madame la Présidente du Parlement européen alors que, dans le même temps, l’Union européenne élaborera sa stratégie en étudiant les Plans nationaux d’action des Etats membres. Le Comité Pauvreté et Politique, initiateur de cette pétition, ne soutient pas, a priori, un projet économique et social particulier, il a pour seule vocation de sensibiliser et d’interpeller les Institutionnels sur la progression des pauvretés en France. Par contre, il accueille le « Collectif d’action contre la misère par la réforme monétaire », proche des thèses soutenues ici en la matière. FRAGMENTS Diffusion est, d’autre part, partenaire associé de ces deux entités. Janpier Dutrieux --------------------------- 1-
Rapport 2000 de l’Observatoire national de la pauvreté et de l’exclusion
sociale. 2-
cf. Fragments Diffusion n° 47, Salaires discontinus, impôt négatif et revenu
inconditionnel 3-
« Revenus et patrimoines des ménages » (Insee 2000-01) publiée le
22 mars. 4-
dont le Secours Catholique, ATD Quart Monde, Fédération nationale des
associations d’accueil et de réadaptation sociale. 5-
Cf. l’article de B. de Kermel, Tribune : Politique économique et
pauvreté : deux poids, deux mesures, (Le Monde du 04/04/0). Comité Pauvreté et Politique 21 rue de
Lançon, 75015 Paris . QU’EST CE QUE LA RICHESSE ou la mesure qualitative de la croissance La décennie 1960 créa, en moyenne annuelle, 164.000 emplois nets, pour une croissance économique de 5,6 %. La décennie 1970 en créa 95.000 pour une croissance de 3,6 %. Puis de 1980 à 1994, il n’en fut créé que 90.000 pour une croissance de 1,9 %. La corrélation entre taux de croissance et taux de chômage est rompu depuis. De 1994 à 2000, la création annuelle d’emplois fut de 172.000 emplois pour 2,3 % de croissance. Pourquoi ? L’inversion de cette relation entre emploi et croissance est souvent expliquée par la réduction des gains de productivité par emploi (conséquence notamment de la réduction du temps de travail) qui, inversement, engendre un enrichissement en emplois de la croissance. Cette hypothèse conduit à penser que la productivité est sacrifiée au profit du partage de l’emploi. Une autre hypothèse est présentée par Jean Gadrey (Lille 1) 1. Selon lui, les outils de mesure de la production, et par conséquent de la croissance, sont devenus obsolètes et ne rendent plus compte de nos représentations de la richesse aussi bien quantitative que qualitative, comme le démontre Dominique Méda 2. Par exemple, des activités aussi ancestrales que le commerce de détail se sont enrichies de services difficilement mesurables, de sorte que l’on mesure toujours la croissance du volume des biens vendus et non de la croissance du volume des services rendus. Certaines activités marchandes ont une productivité qui semble stagner depuis le début du siècle, comparativement à certains produits industriels, cependant elles se sont enrichies en services connexes pour un même prix de vente (dans la coiffure : qualité de l’accueil, de la prestation…). Si la prestation s’enrichit en service pour un même prix de vente, les gains de productivité et la croissance régressent mécaniquement. : Ce n’est donc pas la productivité qui décroît, c’est la pertinence de ce concept qui décline. Explication théorique Imaginons une séparation des tâches de chaque poste de travail, et donc de l’économie, entre A et B avec : A : tâches automatisées (ou potentiellement), connaissant de forts gains de productivité, estimés à 8 % l’an, B : tâches à forte dimension relationnelle, cognitive, peu ou pas automatisées, sans productivité en volume, même si la qualité y progresse. ½ Supposons que les tâches A passent de 50 % en 1970 à 30 % en 2000 de l’ensemble de la production (PIB). (Signalons ainsi que relativement à la population active, il y avait 13 % d’actifs agricoles en 1970 contre 4 % en 2000, 37,3 % d’ouvriers en 1975 contre 27,2 % en 1995, il y eut également une réduction draconienne des tâches tertiaires concernées par l’automatisation). ƒ Il en résulte que le taux de croissance de la production de ce modèle passe mécaniquement de 4 % en 1990 à 2,4 % en 2000, sous le seul effet de la transformation de la structure des tâches, dès lors que les techniques de mesure n’enregistrent pas les transformations qualitatives dans les tâches non mécanisables. La richesse ne prend plus la forme d’un flux quantitatif, de type tayloriste, elle ne peut donc se mesurer avec les instruments actuels. Il y a accroissement de richesse, mais aucune croissance n’est enregistrée par les instruments de mesure. Cette déficience justifie pleinement la mise en place de nouveaux instruments de mesure de la production, comme ceux, notamment, initialisés par Amartya Sen 3. --------------------------
1-
Le Monde (18/04/01) 2-
Qu’est le que la richesse, D. Méda, Flammarion 2000. 3-
Cf. Cahier de FRAGMENTS N° 15. RMI ET EMPLOI Le chômage régresse, l’emploi
partiel progresse er le nombre des
allocataires RMI est passé de 422.000 en 1990 à 1.137.000 en 2000. Il tend
cependant à se stabiliser, voir à se réduire. Selon le « Centre d’études de l’emploi », seuls 73 % des bénéficiaires de RMI seraient mieux rémunérés s’ils occupaient un emploi. Une étude a ainsi évalué les salaires auxquels les RMIstes pourraient prétendre en fonction des salaires de ceux qui avaient retrouvé un emploi, puis en s’appuyant sur les caractéristiques d’âge, de diplôme et de sexe de cette population. Cette simulation a retenu la notion de « revenu potentiel », c’est-à-dire d’un revenu obtenu à long terme, au-delà de la période de transition, mais n’a pas tenu compte des coûts engendrés par l’occupation d’un emploi (transport, garde d’enfants). Il apparaît que 73 % des ménages bénéficieraient d’un gain de 1300 francs, portant leur revenu à 5500 francs en moyenne si l’un de ses membres prenait un emploi. Sur les 27 % restants, aucun gain financier n’est observé, 3 % y perdraient d’ailleurs, « car leur salaire potentiel serait trop élevé pour justifier le maintien du RMI, ce qui occasionnerait en outre une baisse de leur allocation-logement ». Ces résultats cachent cependant de grandes disparités : 84 % des personnes seules sans enfant, pourraient voir leurs revenus passer de 1900 francs à 4500 francs, mais 43 % des femmes seules avec enfants ne bénéficieraient que d’un gain de 1300 francs. Il reste que si les déterminants de l’activité ne se résument pas à des motifs financiers, les auteurs de cette étude ont voulu répondre aux « fantasmes selon lesquels les RMIstes n’ont pas intérêt, finalement, de travailler ». FRAGMENTELLES § Réglementer la finance d’abord - Instruit par la crise de 1929, « le système capitaliste nous donne le choix, lors de ses perturbations, entre une crise violente, mais brève, et une crise moins intense mais plus longue », estime Isaac Johsua 1. Cependant, la première solution est peu probable car de nombreux stabilisateurs économiques et monétaires ont été introduits depuis la grande crise. Certains subsistent encore, malgré les efforts des libéraux. Le Japon, par contre, illustrerait parfaitement l’hypothèse d’une crise longue. Il convient donc de tirer le bilan du libéralisme, notamment en commençant par la sphère financière. En effet, « celle-ci est toujours au premier plan des enchaînements catastrophiques récents, brusques mouvements de masses énormes de capitaux et crises des changes, vagues spéculatives et krachs boursiers, surendettement, banques lourdement lestées des mauvaises créances. C’est d’abord la finance qu’il faut réglementer, contrôler, taxer, en un mot, ligoter. Les moyens ne manquent pas, seule fait défaut la volonté politique (…). Si les gouvernements ne prennent pas leurs responsabilités, ce sera aux citoyens de prendre les leurs ». ----------------- 1-
I. Joshua, Université Paris Sud XI, Orsay. (Le Monde 10/04/01) § Poids et limites du secteur financier – Le rapport « Paris, place financière européenne » présenté le 22 mars 2000 au Ministre des Finances définit la place de l’industrie financière dans la production nationale, mais révèle ses limites actuelles. Le système financier apporta avec ses marchés 101 Mds. d’euros en 2000 à l’économie française (contre 54 Mds. en 1995). Il emploie 600.000 personnes, soit 3,7 % de la population, 2 fois plus que l’industrie automobile. Ses activités financières génèrent 4,8 % de la valeur ajoutée (4,6 % pour l’agro-alimentaire et 2,8 % pour l’industrie automobile. Elles couvrent 30 % des exportations des services. - Le secteur financier souffre cependant de la faiblesse des investisseurs nationaux, notamment domestiques, ce qui se traduit par un poids important des investisseurs étrangers dans le capital des entreprises (50 % pour Total Fina Elf, 49 % pour la Société Générale, 40 % pour Alcatel). Cette importante présence des investisseurs étrangers peut accroître les risques « lors des crises boursières (car) les investisseurs étrangers se retirent plus vite que les nationaux ». En ce sens, de nombreux acteurs estiment que l’introduction de fonds de pension renforcerait la capitalisation nationale. - Par ailleurs, ce rapport suggère d’alléger « la surfiscalité des activités financières » considérée comme un frein à la localisation d’opérateurs étrangers, et souligne qu’aux Pays-Bas et en Belgique, « les opérateurs étrangers ont un abattement de 35 % de leurs revenus à titre « d’allocation de frais d’expatriation » pendant 10 ans. Enfin, il rappelle qu’une délocalisation d’une partie des activités de la place de Paris créerait des coûts supplémentaires pour les entreprises qui risqueraient de ne plus être « courtisés par les banquiers d’affaires et conseils basés sur les autres places européennes ». § Autorité de régulation monétaire – Selon deux économistes britanniques Joseph Huber et James Robertson (Creating new money, a monetary reform for the information age, New Economics Foundation), le traité d’Amsterdam ne s’oppose formellement en rien à ce que, seule, la Banque centrale européenne puisse émettre la monnaie de l’Union européenne, et qu’elle l’injecte sans intérêt. Résumant l’ouvrage, J-P Mon (La Grande Relève n°1009, avril 2001) souligne que, dans ce cas, le système bancaire ne serait plus autorisé à émettre de nouveaux crédits contre intérêt. Autrement dit, les banques deviendraient des courtiers et non plus des créateurs de crédits. Les crédits jugés nécessaires pourraient être émis par une autorité monétaire indépendante qui en déterminerait à intervalles réguliers le volume. Cette autorité serait une sorte d’Autorité de Régulation monétaire, comme il existe une Autorité de Régulation des Télécommunications. Ce crédit serait considéré comme une ressource créée pour la société, comme une ressource commune de revenu public. § Retraites – La Cour constitutionnelle de Karlsruhe, instance judiciaire la plus élevée d’Allemagne, a jugé le 3 avril « partiellement inconstitutionnelle la loi instaurée en 1995 par Helmut Kolh », instaurant une cotisation de 1,7 % sur les salaires afin de financer l’assurance dépendance des personnes âgées. Ce jugement faisait suite à une plainte d’un particulier, A.W. Müller, père de 10 enfants, qui ne comprenait pas pourquoi il devait payer autant qu’un célibataire alors qu’en élevant ses enfants, il estimait payer déjà largement sa part. Les juges considérèrent que cette assurance ne pouvait être pérenne que si les assurés versent leurs cotisations et mettent au monde de futurs cotisants. Avec un taux de fécondité de 1,3 en Allemagne, ce jugement fut perçu comme une intention de « réduire l’inégalité entre célibataires et familles, ces dernières payant 2 fois ». Ainsi, le démographe Herwig Birg soulignait qu’« un ménage avec 3 enfants gagnant 60.000 marks par an peut mettre de côté 5000 marks pour ses loisirs ou son épargne par an. Un célibataire dispose de 4 fois plus ». Par ailleurs, les juges de Karlsruhe ont exigé du législateur qu’il prenne en compte leur décision pour les autres prestations sociales, dont les retraites par répartition. §
Décès de Maurice Lauré – Connu comme l’un des concepteurs de la TVA,
Maurice Lauré est décédé le 20 avril dernier. Inspecteur des finances, il mit
sur pied, après guerre, les brigades polyvalentes chargées de contrôles
fiscaux inopinés, et s’employa à la création de la DGI (Direction Générale
des Impôts). Il participa à l’instauration de la TVA en 1954. Membre du conseil national du RPR, il jugeait l’impôt sur le revenu trop progressif, proposait d’en baisser le taux marginal et de le simplifier. Il dénonçait la fiscalité sur l’épargne, attendu que les détenteurs n’en ont pas la jouissance, et recommandait la concurrence entre les caisses de sécurité sociale. En 1998, il refusa l’idée d’asseoir les cotisations patronales sur la valeur ajoutée. Libéral, redoutant les excès du libre échange, il souhaitait des mesures de protection de l’emploi non qualifié. Estimant le SMIC trop élevé pour ce type d’emploi, il s’était prononcé pour un complément de revenu en faveur des bas salaires, selon la formule du crédit d’impôt. (cf. Fragments 47). § Migrants alternants et rurbanisation - 3 études de l’INSEE d’avril soulignent la poursuite de l’urbanisation et l’accroissement des déplacements domicile-travail. 45 millions de Français vivaient dans une aire urbaine (ensemble de communes), soit 77 % de la population en 1999 contre 73 % en 1990. 21 % de la population de ces aires urbaines résident dans les couronnes périurbaines. Ce sont principalement les grandes métropoles qui ont étendu leur influence en gonflant leur population plus vite que la moyenne. A cette concentration de population dans les grandes villes, il convient d’ajouter une tendance à l’étalement de celles-ci. Il s’en suit que 3 actifs sur 5 (14 millions) quittent chaque jour leur commune pour aller travailler. 3 millions de ces « migrants alternants » se rendent dans un autre département, 0,7 dans une autre région. Ces migrants alternants représentent 60,9 % des actifs (52 ,3 % en 1990 et 46,1 % en 1982). Ils parcourent en moyenne 15,1 kms (à vol d’oiseau) par jour (14,1 kms en 90 et 13,1 en 82). 188.000 personnes travaillent à plus de 200 kms de chez elles, notamment des franciliens. Ces phénomènes d’urbanisation et les migrations alternantes qui s’en suivent sont d’ampleur mondiale, avec la « rurbanisation » (domicile rural et travail citadin) occidentale et les mégapoles des pays en voie de développement (Bombay, Calcutta, Le Caire). 47 – février
2001 Salaires discontinue, impôt négatif et revenu
inconditionnel. Les Etats européens
introduisent petit à petit dans leur système de répartition des revenus un troisième
volet indépendant du travail et du capital, qui bien qu’encore conditionnel,
vient pallier la diminution de l’offre de travail continu à temps complet, notamment pour les emplois
peu ou pas qualifiés. En France, hier le RMI, aujourd’hui la « prime pour l’emploi », et demain l’ « allocation formation » pour les jeunes, proposée par le Commissariat général du Plan, alimentent cette voie de répartition.. Dans une économie de marchés diversifiée et équilibrée entre secteurs primaire, secon-daire, tertiaire, voire quaternaire, la productivité et les besoins en emplois ne peuvent être identiques, et tendent notoire-ment à s’écarter et à créer des travailleurs pauvres, c’est-à-dire rémunérés en dessous des revenus médians et du seuil de pauvreté. Seuil de pauvreté : Le seuil de pauvreté est défini par rapport à un panier de consommation minimale, souvent fixé en fonction des revenus médians de la population d’appartenance. L’Union Européenne entend par personnes pauvres les individus, les familles et les groupes dont les ressources, matérielles, culturelles, sociales, sont si faibles qu’ils sont exclus des modes de vie minimaux. Le seuil est fixé à 50 % du revenu médian, soit environ 3800 F. en 2001. L’INSEE (Economie et Statistiques n°335) soulignait que ces « travailleurs actifs occupés, dont les ressources sont inférieures à 50 % aux revenus médians du travail, s’élèvent à 1,3 million ou 6 % de la population active dont 34 % en alternance inactivité emploi, 10 % sous contrats aidés, 20 % en CDI à temps complet, 10 % à temps partiel et 26 % indépendants » (Fragments Diffusion n°46). Ces travailleurs, souvent peu qualifiés, constituent une nouvelle forme d’exclusion et sont davantage pénalisés que les actifs inoccupés bénéficiaires d’allo-cations sociales. En effet, si une augmentation salariale peut frapper le revenu d’une imposition d’autant plus élevée que le salaire sera élevé, cette pénalisation atteint son maximum pour un emploi non qualifié, puisque quand un allocataire du RMI retrouvait un emploi, quelque soit sa durée, ce revenu était supprimé. Ainsi, en 1998, une personne isolée allocataire du RMI et d’une allocation logement perdait 254 F par mois en acceptant un mi temps payé au SMIC. Le taux d’imposition qui frappait alors son revenu était par conséquent de 100 %. « Dans un foyer allocataire du RMI, dont l’un des membres reprend une activité à plein temps rémunérée au SMIC, le gain réel n’est que de 4 F par heure travaillée ! Il convenait donc de combattre ces injustices peu incitatives à la reprise d’un emploi 2. » L’impôt négatif C’est dans ce contexte que devrait être initié en France l’impôt négatif formulé dès 1962 par le père du monétarisme Milton Friedman dans son ouvrage Capitalism and Fredom. Son principe trouve une application aux Etats-Unis depuis 1975 avec l’Earned Income Taxe Credit. En 1998, il concernait 19,8 millions de foyers pour un coût de 1,8 % du budget fédéral américain. Quel en était le principe initial : Il s’agissait d’un allocation différentielle périodique financée par l’Etat, redistribuée à toute personne résidente et majeure dont les revenus étaient inférieurs au seuil de pauvreté en vigueur, qu’elle soit active ou non active. Il convenait de fixer un seuil de pauvreté et de verser aux familles dont le revenu lui était inférieur une allocation palliative entre leur revenu et le seuil de pauvreté. Au delà de ce seuil, le revenu est imposable. En France, l’impôt négatif fut introduit par Lionel Stoléru en 1974 dans le but de remplacer les dispositifs redistributifs existants. Il soulignait alors « qu’il serait malsain de concevoir l’impôt négatif comme venant s’ajouter à tout ce qui existe. Bien au contraire, il faut y voir le moyen de supprimer et de simplifier toute une série de programmes sociaux actuels, et par consé-quent, de faire des économies de gestion administrative. Cet objectif est même quelquefois l’un des buts principaux de la mise en œuvre de l’impôt négatif ». L’avantage de l’impôt négatif est par ailleurs de rendre possible une redistribution qui soit neutre eu égard aux fonctionnements des marchés. De nombreux pays européens en ont déjà adopté le principe en le liant toutefois à des conditions d’attributions fiscales et familiales. De la cagnotte fiscale à
la redistribution de revenus Avec la « prime pour l’emploi », la France a adopté un modèle proche de cet impôt négatif, conditionné certes à l’emploi, financé par la « cagnotte fiscale », mais qui n’élimine pourtant pas les autres minima sociaux du système de redistribution français déjà très complexe. Il y avait 8 principaux minima sociaux en 2000 avec notamment le RMI, l’ASS (Allocation Spécifique de Solidarité) , le Minimum Vieillesse. Le Working Families Tax Credit (WFTC) ou l’impôt négatif britannique Le WFTC fut créé en 1999 pour faciliter le retour à l’emploi des personnes dont les revenus sont modestes en faveur des familles avec enfants et sous condition d’activité minimale (au moins 16h /semaine). Le WFTC est versé dès le 1e enfant. Il concerne un million de foyer pour un crédit d’impôt équivalent à 730 F/semaine. L’originalité du WFTC est d’associer politique de redistribution fiscale et politique familiale. Selon le rapport de la Fondation Joseph Rowntree de fin 2000, 4,5 million d’enfants sont au Royaume Uni en situation de précarité, une augmentation de 300 % en 20 ans. « On constate une forte augmentation du nombre d’enfants en prison dans des institutions pour jeunes délinquants ou qui souffrent de problèmes de santé ou éducatifs. Critiques : En vérité, le Gouvernement britannique applique la politique du bâton avec menace de suppression des prestations sociales si l’intéressé ne se rend pas aux entretiens de recherche, et de la carotte avec le WFTC pour réinsérer le marché de l’emploi. La prime du WFTC est versée par l’employeur sur la fiche de paye et non par la sécurité sociale. Ces allocations sont conditionnées par l’activité professionnelle. Il ne s’agit pas d’un simple exercice d’écriture comptable qui permet d’économiser sur le budget de la sécurité pour faire payer le Trésor Public. Les employeurs se plaignent du supplément de travail administratif causé par le WFTC. La prime pour l’emploi,
« impôt négatif à la française » est issue de la conjonction de
deux éléments : Ÿ D’une part, le rapport sur « le plein emploi » de Jean Pisani-Ferry pour le Conseil d’analyse économique s’inspirant d’une proposition de Roger Godino sur l’Allocation compensatrice de revenu (Fondation Saint Simon 1999), avait préconisé la mise en place d’un impôt négatif pour inciter les chômeurs à reprendre un travail, et comme stratégie d’une politique de retour au plein emploi . Ÿ D’autre part, après avoir fait état de ses
excédents budgétaires, le Gouvernement voulut faire profiter les Français de
sa « cagnotte fiscale » par une baisse des impôts: Le Ministre des
finances Laurent Fabius avait annoncé le 31 août 2000 une baisse de 120 Mds.
F des impôts sur 3 ans, de 2001 à 2003, dont 43 Mds. F sur l’Impôt sur le
revenu des personnes physiques (IRPP). Puis il suggéra une baisse du taux de
la CSG pour les revenus qui n’y étaient pas assujettis. Pour réduire leur
pression fiscale, la CSG fut préférée à d’autres impôts pour plusieurs
raisons : la TVA est un impôt spécifique à la consommation, les impôts
locaux ne peuvent, sauf ingérence, être manipulés par l’Etat. La réduction
des cotisations vieillesse n’en aurait pas amélioré le financement. Mais le 19 décembre 2000, le Conseil Constitutionnel, saisi par 111 députés et 109 sénateurs, censura la mesure de réduction de la CSG et de la CRDS sur 3 ans pour « rupture caractérisée de l’égalité entre contribuables », contraire à l’article 13 de la Déclaration des Droits de l’Homme et de Citoyen de 1789 selon lequel la charge de l’impôt « doit être également répartie entre tous les citoyens en raison de leurs facultés ». Or, le législateur n’avait pas tenu compte « ni des revenus des contribuables, autres que ceux tirés d’une activité, ni des revenus des autres membres du foyer, ni des personnes à charge au sein de celui-ci. Ainsi, la non considération de « l’ensemble des facultés contributives crée, entre les contribuables concernés, une disparité manifeste ». En fait, le Conseil Constitutionnel ne voulut pas retenir les objections du Gouvernement pour qui il était « rationnel de prendre en considération le seul revenu professionnel de chaque individu », puisque le but de cette ristourne est de favoriser la reprise d’activité et le retour à l’emploi alors que la jurisprudence du Conseil Constitutionnel admet que le principe d’égalité n’interdit pas des mesures d’incitation particulière si elles « concourent à l’intérêt général », à condition que ces avantages fiscaux tiennent compte des caractéristiques de chaque impôt. Il convenait alors d’accorder une réduction de la pression fiscale sous forme d’une prime de pouvoir d’achat dans le cadre familiarisé du foyer fiscal. On s’aperçut alors que « l’Etat ne disposait d’aucun moyen direct de redistribuer des ressources en faveur des plus pauvres. Il ne dispose que de moyens indirects »1. La prime pour l’emploi Il restait donc à accorder un crédit
d’impôt afin de faire bénéficier de la baisse de la pression fiscale de
l’IRPP les salariés à bas revenus qui ne le payaient pas. Il s’agit donc de
la prime pour l’emploi qui devrait être
allouée à 9 millions de
Français recevant spécifiquement des revenus du travail jusqu’à 1,4 SMIC afin
d’accroître leur pouvoir d’achat, d’inciter les agents à reprendre le travail
quel qu’en soit la durée, à rendre le travail à temps partiel plus incitatif.
La prime pour l’emploi repose sur la notion de revenu familial du travail, mais favorise les revenus de bi-activité sur les revenus de mono-activité. « Ainsi pour un couple où l’un des deux conjoints gagne le double du SMIC et où l’autre ne travaille pas, le niveau et la structure des rémunérations de ce couple ne justifieront pas que la prime pour l’emploi lui soit accordée, même s’il est prévu, dans ce cas, qu’une somme forfaitaire soit allouée tenant compte du fait qu’une personne sur deux dans le foyer ne travaille pas. En revanche, lorsque chaque conjoint travaille et perçoit le SMIC, l’offre de travail du couple étant plus grande, ses contraintes matérielles et financières, transports, garde des enfants, le sont aussi ; C’est pourquoi la prime pour l’emploi doit aller à chacun des deux salariés du couple. C’est la logique de cette prime et de sa fonction incitative que de l’augmenter lorsqu’on va du non-travail vers le travail, du temps partiel vers le temps plein. 2 .» Maximale au niveau du SMIC à temps plein puis dégressive jusqu’à 1,4 SMIC, la prime pour l’emploi procurera dès 2001, à près de 10 millions de personnes, un supplément de rémunération du travail. (…) Concrètement, pour l’exemple un smicard célibataire touchera par an 1500 F en 2001, 3000 F en 2002 et 4500 F en 2003 2 . Les services fiscaux calculeront le montant de ce crédit d’impôt sur les seuls revenus du travail du déclarant, puisqu’il s’agit d’inciter au travail à partir des déclarations de revenus des 31 millions de contribuables. Puis en septembre 2001, un chèque de ces services sera envoyé aux salariés dispensés du paiement de l’IRPP, pour compenser la réduction accordée aux assujettis. Ainsi nul autre que le bénéficiaire lui-même ne pourra avoir connaissance de la perception de cette prime et de son montant afin de ne pas inciter l’employeur à baisse du salaire. La prime pour l’emploi devrait concerner 10 millions de personnes pour un volume de 25 millions sur 3 ans. Il n’est pas écrit qu’elle disparaisse ou qu’elle s’institutionnalise en 2004. Dans tous les cas de figure, ceux qui occupent un emploi ou ceux qui en retrouveront un, y compris le temps partiel, y gagneront un complément de revenu, jusqu’à 9400 F par an, en 2003, pour un couple de smicards avec enfants 2. Eléments critiques pour
aller plus loin L’impôt négatif, comme le précisait Lionel Stoléru, et la prime pour l’emploi, comme le rappela Michel Rocard, concepteur de la CSG, « aurait pu fournir l’occasion de chercher une solution aux défauts de l’actuel système : excessive multiplicité des minima sociaux, effets de seuil insurmontables et trappe à chômage constituée par le RMI. » Pourtant, la prime pour l’emploi vient s’ajouter à cette pléthore de minima sociaux, tous plus conditionnels les uns que les autres. Par ailleurs, selon le CERCS 3, cette prime à l’emploi exclut les plus pauvres puisque son montant est d’autant plus élevé que l’emploi est à plein temps et proche du SMIC alors que les travailleurs pauvres se caractérisent « moins par le fait d’être au niveau du SMIC que de ne pas trouver d’emploi à plein temps sur l’année, ou d’être le seul actif occupé ». Or, la prime à l’emploi est dégressive jusqu’à 1,4 SMIC et favorise les revenus familiaux du travail de bi-activité. Le CERCS oppose à la prime à l’emploi l’Allocation Compensatrice de Revenu (ACR) de Roger Godino qui concernait prioritairement les travailleurs les plus pauvres, en majorité à temps partiel, et les précaires, mais qui devait être permanente, ce qui pour l’instant, n’est pas le cas de la prime à l’emploi. Enfin, 170 économistes, syndicalistes et associatifs, ont lancé un appel hostile à la prime pour l’emploi considérée comme un encouragement à développer les emplois à bas salaires et précaires. Elle consisterait, selon eux, à modifier la relation salariale puisque l’Etat viendrait suppléer le déficit du salaire accordé. Le débat est loin d’être clos, et c’est heureux car il pose les problèmes de l’évolution du travail salarié discontinu, des conséquences engendrées par la conditionnalité et la multiplicité des minima sociaux. Il justifie ainsi la pertinence de l’inconditionnalité d’un revenu additionnel qui aurait l’avantage de simplifier les dispositifs redistributifs. Les propositions d’André Gorz, de René Passet, d’Alain Caillé (MAUSS), de P. Van Parijs (BIEN), et de Y. Bresson (AIRE), pour ne citer que ces quelques contemporains s’inscrivent dans cet esprit. En fait, le cadre actuel de l’emploi se rétrécit sous la pression de deux forces opposées. Il faut donc sortir de ce cadre, c’est-à-dire fournir un revenu inconditionnel, donc à tous, pour éliminer la masse de ces forces. Autrement dit, comme a pu le souligner Van Parijs : 1- D’une part, le coût du travail peu ou non qualifié revenus nets et charges sociales inclus, est trop élevé par rapport aux gains de productivité qu’il engendre. Dès lors, il y a rareté de l’emploi, non pas parce la quantité du travail est réduite, mais parce que son coût est supérieur aux gains de productivité qu’il peut dégager. 2- Mais d’autre part, il faut augmenter les revenus du travail non qualifié pour lutter contre la misère. Dès lors, l’augmentation de ces minima rend l’emploi encore plus rare parce que les conditions de productivité deviennent encore plus sévères 4 . En fait, la conditionnalité des minima conditionnels ne peut être neutre. Quand un agent sort d’une situation de précarité pour trouver un emploi, les minima sociaux liés à sa précédente condition lui sont retirés. Il est sanctionné. Avec la prime à l’emploi, le temps partiel contraint et les familles disposant d’un seul salaire sont également sanctionnés. Les bas salaires peuvent apparaître subventionnés au détriment des salaires plus élevés, financés intégralement par l’entreprise. Par contre, si un revenu inconditionnel additionnel peut être perçu comme une subvention, cette subvention concernera tous les secteurs de l’économie. Il sera donc neutre et n’influencera pas les marchés. Son financement pourrait enfin utiliser la voie monétaire et ignorer les procédés de redistributions budgétaires, ce qui dynamiserait alors la demande. Janpier Dutrieux ---------------------------- 1- Daniel Cohen, Le Monde du 6 février 2- Laurent Fabius, Première lecture devant
l’Assemblée du projet de loi portant création d’une prime pour l’emploi, le 6
février 2001. 3- Conseil de l’Emploi, des Revenus et de la
Cohésion Sociale (CERCS) présidé par J. Delors. 4- Philippe Van Parijs, Qu’est-ce qu’une société
juste ?, Refonder la solidarité, éd. du Cerf 1996 DE LA RECONNAISSANCE DES VIOLENCES ECONOMIQUES Le principe admis depuis le Code civil de 1804 selon lequel la violence économique n’est pas une cause de nullité des contrats n’est plus aujourd’hui intouchable et absolu. Dans un arrêt du 30 mai 2000, la 1e Chambre civile de la Cour de Cassation a affirmé que la « contrainte économique » pesant sur un contractant peut constituer une violence qui vicie son consentement, justifiant l’annulation du contrat . Le Code civil définit le contrat comme la rencontre de deux volontés libres et éclairées qui doit conduire à un échange économique équilibré. Le Code civil avait certes listé les vices qui peuvent entacher la régularité des contrats, l’erreur, le dol, mais il n’avait pas imaginé que celui-ci peut être défavorable pour l’un des 2 contractants. « Le seul déséquilibre objectif entre les prestations réciproques des parties n’est pas une cause de nullité du droit français », écrit Anne Marie Frison-Roche (Paris Dauphine), mais si la jurisprudence admettait « le vice de la violence physique ou morale, pour annuler le contrat, elle n’avait pas encore retenu la violence économique ». A présent, selon la nouvelle jurisprudence, si le contractant « n’a pas les moyens économiques de refuser d’entrer dans un contrat, alors même que celui-ci lui est désavantageux, il cesse d’exercer librement sa volonté ». Les socialistes utopistes du 19e siècle avaient depuis longtemps souligné ce déséquilibre entre l’offre et la demande. Ils s’étaient livré « à une véritable critique en règle du contrat, masque d’une pure relation de domination : la pseudo-liberté qui est celle de l’ouvrier contractant avec le patron est un mythe, car l’ouvrier est obligé de vendre son corps-travail, alors que le patron peut toujours attendre ou faire jouer la concurrence. Les deux parties ne sont pas à armes égales, situation d’autant plus grave, disent-ils, qu’il en va de la vie. Et c’est justement parce qu’il s’agit de la vie que l’ouvrier est prêt à accepter n’importe quelles conditions. C’est pourquoi le contrat, sous sa forme de mise en relation de deux individus libres et égaux, est une duperie, à l’instar de la liberté du travail 1». ----------------------------- 1 – Dominique Méda, Le travail, une valeur en voie de disparition, Alto-Aubier 1995. D’UNE ADMINISTRATION DE MOYENS A UNE ADMINISTRATION DE RESULTATS L’Ordonnance du 2 janvier 1959 relative aux Finances publiques qui fixe depuis 40 ans les conditions d’élaboration du Budget Public devrait être prochainement remplacée par une nouvelle loi organique déposée par le Président de l’Assemblée Nationale Raymond Forni et le Rapporteur Général du Budget Didier Migaud. L’Ordonnance de 1959 énonce les grands principes de droit budgétaire français, avec la règle de l’annualité, de l’équilibre, de l’universalité (non spécialisation de l’impôt). D’inspiration keynesienne, elle subdivisait le budget en 848 chapitres autonomes, ce qui interdisait les surplus de l’un de financer les déficits de l’autre. La politique de planification incitative française permit d’adoucir la rigidité de l’annualité budgétaire, cependant le Budget divisé en mesures votées et mesures nouvelles ne permet à chaque exercice législatif qu’un vote sur moins de 10 % du volume budgétaire prévu. D’où l’impossibilité d’actions réformatrices du législateur. La nouvelle loi remplacerait les 848 chapitres par 150 programmes ministériels qui pourront être pluriannuels et dont les crédits pourront être fongibles, c’est-à-dire répartis librement entre les différents postes de dépenses selon les besoins. Toutefois, cette fongibilité ne s’exercera pas sur la masse salariale « qui ne pourra pas être augmentée ». La proposition de loi, dans son état actuel, permettrait de contourner l’article 40 de la Constitution qui n’autorise pas les Parlementaires d’augmenter une dépense ou de réduire une recette de l’Etat. Elle leur offrirait alors la possibilité de participer à la mise en œuvre du Budget alors qu’actuellement ils ne peuvent que le contrôler. Le législatif reprendrait ainsi un pouvoir laissé aux fonctionnaires du ministère des finances…. L’objectif global de ce texte est de passer d’une « administration de moyens à une administration de résultats », ce qui pourrait faire évoluer les ministères « vers une administration d’expertise, de pilotage et d’évaluation ». Les syndicats de fonctionnaires s’inquiètent par ailleurs de la globalisation des dépenses de personnel prévue par cette réforme qui aboutirait, à terme, à remplacer les titulaires par des contractuels, alors que la pluri-annualité permettra de dégrossir progressivement les effectifs de fonctionnaires dont 45 % doivent partir à la retraite d’ici 2012. FRAGMENTELLES § Thésaurisation – Plusieurs études, notamment du CREDOC, sur l’argent des Français, font apparaître que sur la masse totale de monnaie fiduciaire (pièces et billets), de 300 milliards de francs, seuls 50 milliards de francs seraient véritablement en circulation et 100 milliards seraient épargnés en prévision d’une dépense. Enfin, les 3/4 des billets de 500 F et 1/4 des billets de 200 F ne circulent jamais. Robert Rochefort, responsable du CREDOC, rapporte que les Français viennent « d’un pays de terriens qui cachaient leurs napoléons », en précisant que la culture française est éloignée des préceptes protestants qui ont permis au système bancaire de s’épanouir. De surcroit, face à des régimes de transmission de patrimoine jugés compliqués, les Français auraient tendance à cacher un peu de leur bien. Selon lui, cette thésaurisation serait un phénomène générationnel concernant les plus de 50 ans. Ces billets et pièces en francs seront échangeables en euros gratuitement jusqu’à la fin juin 2002. Au delà, les conditions de l’échange ne sont pas précisées.
§ Règles prudentielles - Le comité de Bâle qui fédère les autorités de contrôle bancaire du G10 et du Luxembourg a publié le 16 janvier 2001 de nouvelles règles prudentielles de solvabilité bancaire qui seront prochainement soumis aux banques et appliqué en 2004. Les règles actuellement en vigueur, élaborées par le même comité présidé par Peter Cooke en 1988, connues sous le nom de ratio Cooke, exigent notamment de couvrir les engagements en crédit des banques à hauteur de 8 % de leurs fonds propres. De nouvelles règles apparurent nécessaires après les crises asiatique et russe de 1997 et 1998, des faillites de la Banque Barings et du fonds spéculatif LTCM et des banques japonaises. Le nouveau ratio Mac Donough, du nom de l’actuel président du comité de Bâle est construit sur 3 piliers avec : 1- des exigences minimales de fonds propres calculées sur une méthode appliquée par les agences de notation évaluant la solvabilité des clients et le montant possible des pertes. 2- un processus de surveillance prudentielle par évaluation interne validée par des autorités de tutelle. 3- Un recours à la discipline du marché. La reconnaissance de nouveaux risques devra, selon le comité, être couvert par environ 20 % des fonds propres, contre 8 actuellement. § Expérimentation régionale – L’Assemblée Nationale a voté le 16 janvier 2001 en première lecture une proposition de loi constitutionnelle, présentée par Pierre Méhaignerie, qui permettrait aux collectivités locales « d’adapter les lois et les règlements » en leur confiant « un droit d’expérimentation ». Ce droit devrait être inscrit à l’article 72 de la Constitution relatif aux collectivités territoriales. Selon ce texte, le droit à l’expérimentation des collectivités territoriales concernerait les domaines de l’organisation, des compétences et des ressources « en vue d’une généralisation » à l’ensemble du territoire. L’argumentaire de l’exposé des motifs souligne « le fait de confier l’expérimentation d’une réforme à certaines collectivités locales évitera (à l’Etat) de proposer des projets de loi inadaptés, trop longs (…). Les exemples récents des lois sur les 35 heures ou de la loi sur l’exclusion sont là pour confirmer que les expériences locales ont été méconnues par l’Etat (…) ». Par ailleurs, ce texte « implique, à dessein, une consultation obligatoire du Conseil Constitutionnel (…) qui ne s’est pas montré hostile au principe d’expérimentations (…) mais qui s’est attaché à rappeler au législateur les limites dans la nature et dans le temps qu’impose à cette notion la Constitution. Ainsi ce texte donnerait au juge constitutionnel l’occasion de « développer une jurisprudence conciliant cette nouvelle logique d’autonomie locale et l’essentiel du bloc de constitutionnalité, tant au regard du préambule que de l’article 34 ». § Monopoles – La nouvelle économie tend naturellement à développer des modèles monopolistiques antinomiques aux aspirations de libre concurrence. Selon Michel Volle, économiste de l’Institut de l’audiovisuel et des télécoms en Europe, « l’industrie des nouvelles technologies repose sur un modèle de développement propice aux monopoles ». En effet, dans ce modèle, comme les coûts sont dépensés au début de l’exploitation, tandis que les coûts marginaux de production de chaque unité suivante sont nuls, les entreprises veillent à ériger des barrières à l’entrée du marché. Un marketing offensif vient renforcer ce barrage original. Ainsi ces entreprises s’éloignent du modèle de concurrence pure et parfaite souhaitée. Par exemple, lors du procès Microsoft, leurs avocats soulignèrent que « pour amortir les coûts de recherche et de développement, une firme de la nouvelle économie doit absolument bénéficier d’une rente de situation ». Microsoft avait ainsi coupler plusieurs activités complémentaires (systèmes d’exploitation, logiciels, bureautique) pour créer une espèce de barrière stratégique. Dès lors, l’économiste Christian Stoffaes (Paris 9, Dauphine) se demande si les monopoles naturels ne sont pas en train de se reconstituer « sous une forme différente de l’exploitation publique ». Il se crée ainsi des situations de rente, le résultat net de Microsoft est égal 40 % de son chiffre d’affaires. Les Etats, qui ont renoncé à nationaliser les monopoles, préfèrent aujourd’hui les techniques de réglementation et de régulation qui supposent une surveillance permanente. Les nationalisations permettaient à l’Etat de s’approprier la rente monopolistique des rendements croissants. Mais les situations de monopole que créent la nouvelle économie sont de courte durée et se greffent rapidement sur d’autres supports. .§Nouvelle Economie Fraternelle - NEF – La mission interministérielle de lutte contre les sectes (MILS) consacre, dans son rapport 2000, douze pages au mouvement anthroposophe né de l’initiative du philosophe Rudolf Steiner, autour des écoles Steiner, de Mercure Fédéral (médecine anthroposophique), et de la société financière coopérative de la NEF. En mars 2000, les trois organismes précités avaient gagné ensemble un procès en diffamation contre Jacques Guyard, président d’une Commission parlementaire sur « les sectes et l’argent ». Ce dernier ayant fait appel, un second jugement sera rendu en juin 2001. Rappelons que la NEF, adossée
au Crédit Coopératif, fut la première structure financière en France à
pratiquer des placements éthiques et fut à l’origine de nombreuses
réinsertions et créations d’entreprises. §Emploi et Charges Sociales – Le Bulletin de janvier 2001 de la Banque Centrale Européenne souligne que le nouvel article 126 du Traité instaurant la Communauté européenne demande aux Etats membres de contribuer à un niveau élevé d’emploi par le biais de leurs politiques nationales de l’emploi qui doivent être cohérentes avec les grandes orientations de politique économique. Les lignes directives pour l’emploi s’articulent dorénavant autour de 4 piliers : 1- Améliorer la capacité d’insertion professionnelle. A ce titre, les Etats membres sont invités à adapter leurs systèmes d’indemnisation, d’imposition et de formation en vue de faciliter l’insertion professionnelle. 2- Développer l’esprit d’entreprise et la création d’emplois. Les Etats sont invités à identifier le potentiel de création d’emplois au niveau local, de réformer les systèmes fiscaux. « Afin de rendre les systèmes fiscaux plus favorables à l’emploi, il faudrait les réformer de manière à renverser la tendance de long terme à l’alourdissement de la fiscalité du travail ». Les Etats membres sont encouragés à définir un objectif de réduction progressive tant de la charge fiscale totale que de la pression fiscale grevant les coûts du travail, notamment le travail peu qualifié et faiblement rémunéré là où cela est approprié. 3- Encourager l’adaptabilité des entreprises et de leurs salariés. Les Etats sont invités à promouvoir et introduire des formes de contrats de travail plus souples. 4- Renforcer les politiques d’égalité des chances entre les hommes et les femmes, et réduire les écarts de revenus entre eux. §Pétition - Christine Boutin, député de la République, a lancé une pétition contre la pauvreté européenne le 7 décembre 2000. Dans ce contexte, elle demande aux partenaires européens la rédaction d’un amendement au Traité de Maastricht afin d’y inclure un 5e critère, le critère social, avec les mêmes obligations et sanctions que pour les autres dispositions existantes. Le journal l’Itinérant, 91 rue de Charenton 75012 Paris, demande à ses lecteurs et à toute personne sensibilisés par ce problème de prendre en compte, au delà de toute considération politicienne, la proposition de Mme Christine Boutin. §Bulle des télécommunications - L’accroissement des prêts aux télécommunications est souvent comparé à celui des prêts à l’immobilier dans les années 90 qui se solda par l’éclatement de bulles spéculatives. Aux Etats-Unis, entre 1979 et 89, l’encours des crédits immobiliers des banques passa de 33 à 136 Mds. de $. De 1990 à 2000, l’encours des crédits aux télécommunications passa de 10 à 120 Mds. de §. A travers le monde, ces encours de crédits aux télécoms seraient passés de 110 Mds. de $ en 1995 à 440 Mds. en 2000. La prise de conscience
du risque immobilier fut prise en 1990, il semblerait qu’elle fut prise en
2000 pour le risque des télécoms. Toutefois, 90 % des prêts aux télécoms
seraient des prêts accordés à des signatures de très bonne qualité. Le risque
de non paiement ne concernerait que 12,5 Mds.$. De surcroît, le fort
encours de crédit à l’immobilier ne se transforma en crise financière qu’avec
la conjonction de deux chocs externes : la hausse des taux d’intérêt et
la récession, éléments qui ne semblent pas se dessiner à l’horizon 2000-05.
En France, en dépit de l’augmentation des engagements en 2000, le
portefeuille télécoms des banques françaises ne représente que 5 % des
encours totaux, et il serait centré sur des signatures de bonne qualité,
notamment les anciens opérateurs nationaux. Les établissements européens les
plus exposés seraient notamment Commerzbank, Dresdner Bank, Société Générale,
ABN Amro, Crédit Lyonnais, BNP Paribas, Crédit Suisse. |