46 – janvier 2001

 

Le retour des monnaies privées.

 

 

 

Les conceptions monétaires des néo classiques  menacent la souveraineté des Etats. Avec la croissance du commerce international électronique, ces théories monétaires libérales pourraient se concrétiser et faciliter l’émergence d’une multitude de monnaies concurrentielles.  Mais le silence du législateur pourrait également autoriser  l’expérimenta-tion de monnaies sociales et locales.

 

D’Oresme à Fisher

Le débat entre les partisans d’une émission monétaire privée et d’une émission publique n’est pas nouveau. Dans son Traité monétaire (1355), Nicolas Oresme soulignait, dans son Chapitre V, qu’il « fut ordonné autrefois et pour éviter la fraude, qu’il ne soit permis à personne de faire de la monnaie (…) mais qu’au contraire la monnaie ou l’empreinte du cachet fut faite par une personne physique, ou par plusieurs mandatées pour cette tâche par la communauté (…) et puisque le prince est une personne publique, et d’une plus grande autorité, il est commode que ce soit lui qui, pour la communauté, fasse faire la monnaie, et la frappe d’une empreinte convenable ».

L’apparition des premiers billets de banque, lettres de change, permit à des établissements privés d’émettre davantage de monnaie qu’ils n’en détenaient en dépôt sous forme de pièces. Ce pouvoir fut réglementé avec l’apparition des Banques centrales, souvent de droit privé, mais sous contrôle public. Il fut même dénoncé avec l’application du principe de la circulation (currency principle) énoncé par David Ricardo selon lequel la masse monétaire devait être égale en valeur aux réserves aurifères.

Après la 1e guerre mondiale et l’abandon progressif de la parité or, malgré les tentatives de stabilisations du franc Poincaré (1926) et du  Nouveau franc Pinay (1960), la valeur du franc ne cessa de se dégrader, alimentant la critiques contre les Banques centrales. D’Irving Fisher à Maurice Allais, un courant d’économistes se prononça en faveur d’un retour à une couverture intégrale des dépôts, gage de stabilité.

 

D’Hayek à Lesage

Un autre courant développa une autre thèse. Les économistes de l’individualisme méthodologique de l’Ecole de Vienne, Friedrich Von Hayek 1 et, en France, des libéraux comme Pascal Salin et Henri Lepage prônèrent l’abolition des Banques centrales contrôlées par l’Etat afin de permettre l’exercice de la  loi du marché entre des monnaies d’origine privée. Ils dénoncèrent le pouvoir des Etats ou de leurs Banques centrales qui, même si leur monnaie est mauvaise, c’est-à-dire inflationniste, imposent aux citoyens de l’utiliser par le cours forcé ou différentes mesures de contrôle des changes.

C’est pourquoi, selon Pascal Salin, « Au lieu de dire que la création monétaire est un attribut de la souveraineté, il conviendrait de dire que le monopole de la contrainte dont dispose l’Etat lui permet de détourner à son profit une activité économique qui est particulièrement lucrative, surtout si précisément, elle peut être instaurée en monopole comme c’est le cas pour la création monétaire  2 » .

 

La catallaxie : le prétexte libertarien.

Chez Hayek, la recherche de la concurrence est « une hérésie intellectuelle totale », par contre le marché se justifie par la confrontation d’informations – par définition – imparfaites et coûteuses à acquérir. C’est le profit, qui, indépendamment de tout jugement éthique assure la mobilisation la meilleure possible des connaissances éparses dans la société, dans l’intérêt du plus grand nombre. Le profit devient ainsi l’élément même de la civilisation.  Le marché et le profit sont mus par une force qui doit être libre et indépendante des philosophies sociales de type constructiviste, qui, « de Moïse à Marx en passant par Aristote et Saint Augustin ont joué davantage un rôle de frein qu’un rôle moteur de processus civilisateur »3. Dénonçant ces « constructi-vismes » Hayek leur opposait la « catallaxie », force capable de saisir et d’assembler des informations hétéroclites sans direction établie, qu’il convient de libérer de la carapace protectionniste des normes étatiques, des barrières économiques, des frontières financières et des intérêts sociaux.

Ceci suppose que les Banques centrales ne régulent plus les émissions monétaires, mais que les agents économiques puissent disposer d’un pouvoir de création monétaire. Dans ce modèle, il y a plusieurs banques émettrices de monnaie. .Il n’y a plus de Banque centrale. Il n’y a plus de monnaie centrale.

 

Une promesse de stabilité

Du point de vue international, ces monnaies privées devront être nécessairement flottantes dans un marché où les opérateurs  pourront sélectionner et utiliser les meilleures, les plus stables et les plus performantes,  le public se retrouvera ainsi libre de choisir à quel bloc monétaire il désire appartenir.

Afin que les utilisateurs de l’une de ces monnaies les préfèrent à d’autres, il est nécessaire qu’elle soit meilleure, c’est-à-dire qu’elle soit plus stable et performante. Les émetteurs auront donc intérêt à émettre la monnaie dans des conditions prudentielles. Dans cette situation de concurrence, les offreurs de monnaie pourront alors proposer aux utilisateurs une clause de maintien de pouvoir d’achat, aussi stable que possible, ce qui impliquerait probablement l’émission de monnaies indexées sur différents types de biens, ou paniers de biens, ou sur d’autres monnaies. Selon cette thèse, la concurrence monétaire concourra à la stabilité des monnaies, ce qui demande par conséquent que les Etats soient dépossédés du droit régalien de battre monnaie afin qu’une concurrence puisse être possible entre producteurs de monnaie.

Les employés pourront demander que leurs salaires soient indexés, par exemple, sur la valeur des actions de l’entreprise où ils travaillent, ou encore que leurs contrats soient libellés en unités calculées sur la base d’un panier d’actions d’entreprises exposées au même risque que leur employeur 3.

 

Dépolitiser la monnaie.

En fait, pour les libéraux, la crise ne résulte pas d’une insuffisance de régulation globale des organismes internationaux, mais au contraire d’une trop grande politisation, à tous les niveaux, des modes de gestion monétaires. Il faut, par conséquent, « dépolitiser » la monnaie.

Cette dépolitisation deviendra réelle quand les monnaies privées concurrenceront les monnaies émises par les Banques centrales nationales. Alors, les politiques de change perdront toute efficacité. En effet, les balances de paiement n’auront plus la même signification qu’aujourd’hui puisqu’elles ne représenteront plus un espace économique légal ou politique bien déterminé.

L’analyse libérale considère que depuis la fin de l’étalon or, la monnaie est le dernier secteur à relever d’un mode d’économie dirigée. Elle dénonce les monopoles que constituent les monnaies publiques qui permettent aux Etats, lors d’émission monétaire inflationniste, de se constituer une rente en s’appropriant, par le biais des Banques centrales,  le pouvoir d’achat de ceux qui possèdent cette monnaie. Cet argument est cependant invalidé dans les Etats dont les Banques centrales sont indépendantes des gouvernements.

 

L’émergence de monnaies privées pourrait rendre caduque les systèmes de régulation et de couverture que les Banques centrales offrent aux banques secondaires  en assurant leurs dépôts, ou en étant « prêteurs en dernier ressort contraint ». Dans un système concurrentiel, les banques secondaires, devenues émettrices de leur propre monnaie privée, « prendront ainsi d’elles-mêmes l’habitude de couvrir leurs émissions avec un montant de capitaux propres au moins égal à 20 % de leurs actifs sans qu’on ait le besoin de leur imposer », écrit Michael Klein 4, « comme cela se passe dans les pays à currency board » (conseil monétaire externe). L’ordre financier se rapprocherait alors de celui qui régnait à l’époque des systèmes concurrentiels bancaire des 18e et 19e siècles sous la contrainte de l’étalon or.

En effet, la concurrence permettrait de protéger la stabilité des monnaies  alors que l’exploitation de la loi des grands nombres et la segmentation des marchés en garantira la sécurité. De surcroît, si la banque émettrice est mal gérée, elle serait immédiatement sanctionnée par le marché… L’éducation se fera par la faillite…. Mais les pouvoirs publics, nationaux ou internationaux, n’auront pas toujours, dans ces émissions privées, à les assurer en les refinançant. Le risque systémique peut en effet apparaître réduit si aucun oligopole d’émission monétaire ne vient altérer la réalité de la concurrence et l’atomisation des émissions monétaires qui pourraient en résulter. Or, les monnaies privées vont déferler grâce aux monnaies électroniques.

 

Les monnaies électroniques

C’est pour le moins ce qu’assurent de nombreux libéraux. James Dorn 5, économiste américain, affirme que la monnaie électronique va rendre prochainement caduque le monopole d’Etat sur la création monétaire. Ce siècle naissant verra se développer une offre dématérialisée de monnaies privées échappant à toute réglementation.

 

Qu’est-ce que la monnaie électronique ?

Nous connaissions déjà les cartes de crédit (Cartes Bleue, Visa) qui remplacent de plus en plus les monnaies fiduciaire (billets, pièces) et scripturale (chèques bancaires). Avec l’apparition d’une nouvelle génération de cartes de crédit à puces informatiques rechargeables, dotés de mémoires et de qualités de stockage d’informations, comme la tenue de compte, la monnaie électronique est apparue. Quand la carte est vide, l’utilisateur recharge la puce en tirant sur son compte bancaire. Le Porte Monnaie Electronique (PME) est né. Il peut couvrir des opérations de crédit et de débit, même en ligne sur l’Internet, sans intermédiation bancaire. Il peut être rémunéré, même s’il détient peu de liquidités, comme n’importe quel dépôt dans les banques qui l’autorisent. Le PME viendra ainsi très sérieusement concurrencer le billet de banque émis par les banques centrales, qui ne rapporte aucun intérêt.

 

Un sophisme fondateur : la rente de seigneuriage selon les libéraux

Puisque le Porte-Monnaie Electronique (PME) sera rechargé sous forme de dépôt en monnaie électronique, et non plus en billets de banque, souligne James Dorn, l’Etat, ou sa Banque centrale, perdra une large part de revenus qu’il perçoit au titre de la rente de seigneuriage.

Selon lui, « la détention des billets de banque équivaut à l’abandon temporaire d’un droit de prélèvement sur l’économie réelle. Comme l’épargne, cet abandon justifie une rémunération sous forme d’intérêt. Le non versement de cet intérêt par la Banque centrale représente une recette implicite qui rentre dans les revenus de la Banque centrale, et qu’il analyse comme une terme de « rente de seigneuriage », liée au privilège de l’émission monétaire ».

 

Ce sophisme constitue l’un des piliers de la logique libérale. Non fondé et frauduleux, il sacralise la dictature de la rareté dans un monde potentiellement abondant. La justification de l’intérêt de l’épargne par la théorie de la privation de pouvoir d’achat, théorie pseudo moralisatrice qui consacre le règne de la thésaurisation et de l’épargne spéculative, ne repose sur aucun fondement réel, objectif et rationnel, puisque nous savons que c’est le travail et la production autorisés par l’investissement de l’épargne qui en permettent la rémunération. Intrinsèquement, la monnaie ne produit rien, seul le travail est créateur.

Elle ne peut produire un intérêt que si le travail qu’elle a autorisé dépasse la valeur du capital investi, ou si elle est utilisée dans un jeu spéculatif (achats de devises ou d’autres valeurs), en s’appropriant les fruits du travail  d’autrui.

De surcroît, déclarer que « l’abandon temporaire d’un droit de prélèvement sur l’économie réelle justifie une rémunération sous forme d’intérêt » revient à privilégier la rétention de la monnaie et à en ralentir sa circulation. Logique curieusement à l’opposé des conceptions geselliennes de la monnaie franche qui entendaient pénaliser la thésaurisation, c’est-à-dire la détention de billets de banque qui freine les échanges, et par conséquent la production..

 

L’éloge libéral des monnaies privées et du PME.

En fait, le Porte Monnaie Electronique (PME) pourrait libérer les banques secondaires des dernières contraintes de régulation des Banques centrales. Il aura toujours comme support des banques secondaires qui pourront être étrangères, mais il ne sera pas nécessaire que les dépôts se rapatrient ou transitent par le pays de son propriétaire, technique de délocalisation appelé l’off-shore banking. Les utilisateurs du PME pourront ainsi domicilier leur compte dans des paradis fiscaux, diriger leurs dépôts vers des pays accueillants, ce qui attisera la concurrence en exercera une pression à la hausse sur les taux d’intérêt servis et à la baisse sur les réglementations publiques en vigueur.

 

Le monde de monnaies privées est présenté par les libéraux comme beaucoup plus stable.

A la différence de toutes les monnaies (dollar, yen, euro) qui présentent toujours des risques inflationnistes, « la monnaie informatique pourra être réévaluée en temps réel, grâce à un logiciel intégré à la signature électronique qui permettra à la banque secondaire support de couvrir la différence en puisant sur ses propres fonds ». Une autre technique prudentielle serait d’offrir à la monnaie électronique des contreparties composées par un panier de matières premières faisant l’objet d’une cotation boursière ; ou par des contrats financiers complexes du type de ceux qui circulent sur les marchés des produits dérivés, ou encore des parts de fonds de pension.

La titrisation est également présentée comme une technique prudentielle qui permettrait aux monnaies privées d’assurer la stabilité de leur pouvoir d’achat.

 

Une monnaie virtuelle : le beenz.

Le “ beenz ” est une monnaie virtuelle des échanges électroniques sur l’Internet. Elle a pour  objectif de présenter une “ alternative à l’argent, acceptable dans le monde entier ”. Certains économistes la considèrent comme la première monnaie privée de l’ère numérique. Ils imaginent l’apparition sur l’Internet de monnaies concurrentes, à vocation mondiale, qui seraient régulées et gérées par des mini banques centrales privées, elles-mêmes contrôlées par des grandes entreprises.

 

La titrisation est la transformation d’une créance sur un établissement financier, ou inversement la transformation d’une dette d’un établissement financier, en parts de capital variable.

1- La dette devient une titre côtée, d’une certaine valeur, qui servira de couverture aux crédits consentis. Les dépôts (créances) sont titrisés.

2- Ce titre évolue comme une action ou une obligation en fonction de l’offre et de la demande. La valeur de ces dépôts titrisés couvrira les crédits. C’est, selon James Dorn, « la version moderne de l’ancienne obligation de couverture à 100 % en or ». « Les déposants, mais aussi les détenteurs de titres monétaires, liquides dont le remboursement est garanti par l’établissement, en deviennent, en quelque sorte co-actionnaires » 5.

3- Ainsi, il n’y a plus de Banques centrales pour réguler le système, la seule régulation consistera en un très léger filet de sécurité internationale.

 

Approche critique et constructive

Les émetteurs de monnaies privées assureront la stabilité de leur pouvoir d’achat grâce aux techniques prudentielles énoncées (titrisation, diversification des actifs de couverture, engagement contractuel). Dans l’hypothèse d’une dévalorisation de ces actifs (baisse boursière), ils puiseront dans leurs fonds propres pour garantir la stabilité de la conversion de leur monnaie. Ils devront, par conséquent, limiter leurs émissions de monnaie afin de respecter les ratios prudentiels, gages de stabilité imposée par la concurrence qui éliminera « le risque de voir les détenteurs de billets se précipiter pour en demander le remboursement et provoquer une crise de liquidité susceptible de se généraliser » 5.

En conséquence, le volume et le coût des émissions de crédit seront subordonnés aux aléas boursiers, eux-mêmes dépendants des jeux spéculatifs des opérateurs qui amplifient les mouvements économiques.

 

Quels avantages pour les utilisateurs ? C’est la promesse de la stabilité monétaire assurée par la concurrence et la responsabilisation des émetteurs qui constitue le principal argument libéral. Cette stabilité et la dépolitisation monétaires garantiront et favoriseront la circulation des capitaux, et par conséquent des biens, ce qui accroîtra la croissance des économies des Etats qui ne gêneront pas la création et la circulation des monnaies privées.

 

Quels inconvénients pour les utilisateurs ? Tout d’abord les partisans des monnaies privées électroniques eux-mêmes soulignent que nous risquons « d’assister, dans la période de transition, au retour des crises financières et d’épisodes de déflation. L’incapacité de mettre le moindre contrôle sur les mouvements électroniques de fonds provoquera sans doute de spectaculaires crises financières dans les pays dotés de systèmes bancaires les moins solides  5 ».

Ils soulignent que le système financier actuel, construit autour des Banques centrales et du FMI, qui assurent des rôles de préteurs en dernier ressort contraint pour garantir la liquidité, permet, voire entretient  les risques de défaillance des débiteurs. Ceux-ci se sont  déresponsabilisés, prennent moins de précautions et accumulent un plus grand nombre de mauvaises créances. Aussi, la suppression de ces refinancements fragilisera les émetteurs de monnaie les plus irresponsables ou solides.

 

En dehors des assurances privées, la charge d’assurer la liquidité finale du système bancaire reviendrait curieusement, dans un système concurrentiel de monnaies privées, sur le budget des Etats. Il conviendra donc que les Etats aient une gestion équilibrée, voire excédentaire en temps normaux, afin qu’ils puissent facilement emprunter en temps de crise. En d’autres termes, « avec des marges de manœuvres budgétaires extrêmement réduites, sans politique monétaire, et sans la possibilité de manipuler les taux de change, ce sera la fin de la macro économie, telle que nous la connaissons 5 ».

 

Par ailleurs, dans l’hypothèse d’un enchérissement des actifs de couverture des dépôts et crédits dispensés, les déposants, indépendamment de leur territorialité politique, bien que considérés comme « co-actionnaires », ne tireront aucun avantage à utiliser une monnaie forte dans un espace économiquement et monétairement destruc-turé. La monnaie, instrument de cohésion sociale dans un circuit macro-économique n’existera plus.

Enfin, dans un système de monnaies nationales, la Banque centrale, ou l’Etat, perçoit l’intérêt de refinancement des banques secondaires, intérêt de régulation macro économique. Dans un système de monnaies privées, ce sont les émetteurs privés qui s’approprieront intégralement ces intérêts demandés aux utilisateurs et les plus values des actifs de réserve. Ce transfert dessinera l’émergence de nouveaux pouvoirs. 

 

Des possibilités expérimentales

Pourtant, l’apparition des monnaies privées permettra peut-être d’expérimenter de nouveaux concepts financiers. Par exemple, l’engagement contractuel qui lie l’émetteur à l’utilisateur pourra comporter des clauses prévoyant d’attribuer des qualités spécifiques à la monnaie en circulation.

L’adhésion à ces micro systèmes monétaires pourra obliger l’utilisateur à consommer des biens et services produits par d’autres adhérents afin que la monnaie émise circule dans un espace économique déterminé. Il s’agira là de recréer  un circuit fermé.

Des systèmes de monnaies franches, qui perdront périodiquement de leur valeur si elles ne sont pas échangées, pourront également être initialisés pour combattre l’épargne improductive et spéculative.

D’autres systèmes pourront prévoir de distribuer les plus values enregistrées par les actifs de couverture sous forme de dividendes à tout utilisateur, indépendamment du volume de leur dépôt. Il s’agirait là de rendre au circuit monétaire sa fonction de solidarité sociale.

De nombreuses techniques pourront être ainsi imaginées qui loin d’uniformiser les marchés, les segmenteront davantage. L’homme vit dans de petits espaces (Simone Weil).

Janpier Dutrieux

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1 - 1899-1992, Prix  Nobel 1974.

2 - L’ordre monétaire mondial,  Libre échange PUF 1982

3 – La route de la servitude, F. Hayek,  1946

4 – Financial Times du 14 janvier 2000, Michaël Klein, in  site internet de Démocratie Libérale

5- Vingt économistes face à la crise, présenté par Henri Lepage et Patrick Wasjman (Odile Jacob, 1999).. “ The future of money in the information age ”, James Dorn.

 

Emploi et charges sociales

 

L’émergence d’une nouvelle catégorie de travailleurs, « travailleurs pauvres » (working poors) que l’on croyait réservée aux pays anglo-saxons est confirmée par deux études, dans un récent rapport sur « les conditions du plein emploi à l’horizon 2010 » de Jean Pisani-Ferry, et dans une  étude de l’INSEE de décembre 2000 (Economie et Statistiques n° 335).

L’INSEE révèle ainsi que les « travailleurs pauvres », ou travailleurs actifs occupés, dont les ressources sont inférieures à 50 % aux revenus médians du travail,  s’élèvent en France à 1,35 million dont 34 % en alternance inactivité emploi, 10 % sous contrats aidés, 20 % en CDI à temps complet, 10 % à temps partiel et 26 % indépendants.

Dans la grande majorité, ces travailleurs pauvres sont peu qualifiés et isolés.

Pour combattre ce type d’exclusion, certains préconisent, comme aux Etats-Unis, l’instauration d’un impôt négatif ou d’une allocation différentielle versée par l’Etat, techniques de redistribution fiscale toutefois limitées. Une autre solution consisterait à permettre à l’emploi peu ou non qualifié d’exister  A cet effet, les charges sociales sur les bas salaires furent diminuées, mais insuffisamment.

Par contre, la diminution progressive des charges sociales sur les salaires afin de les remplacer par un prélèvement sur la valeur ajoutée dégagée par les entreprises permettrait de pérenniser, de revaloriser et de créer des emplois peu ou non qualifiés.

C’est sur ce constat que travaille le Comité pour la réforme des prélèvements sociaux.

Ce comité vient d’éditer une charte :

Comité pour la Réforme des prélèvements sociaux :  Jacques Pichelot  BP 213 – 50003 St-Lô cedex

 

 

 FRAGMENTELLES

 

§ Micro finance - Le projet de loi sur les nouvelles régulations économiques issu du rapport Balligand - de Foucault (cf. Fragments n° 41) comporte 2 articles (6 et 13) susceptibles de modifier la loi bancaire du 24 janvier 1984 définissant le cadre des établissements de crédit en France.

En effet, la loi sur les nouvelles régulations économiques permet aux associations de micro crédit et de crédit solidaire, par exemple l’Association pour le droit à l’initiative économique (ADIE) et la Nouvelle Economie Fraternelle (NEF), d’agir comme des établissements de crédit dans le secteur particulier qui est le leur. Il semblerait cependant qu’un risque de ségrégation existe.

En effet, selon Jean Michel Servet, directeur du centre Walras (Lyon II), « les banques pourraient se trouver à bon compte déchargées d’une quelconque responsabilité en matière de lutte contre l’exclusion ». Une spécialisation de droit chargeant les organismes sociaux et solidaires de micro crédits et les Institutions publiques de l’insertion financière pourraient alors libérer les banques commerciales de toute responsabilité en matière de lutte contre l’exclusion financière.

J. M. Servet souligne que cette séparation va à l’encontre des recommandations de l’Organisation Interna-tionale du Travail (OIT) dans les pays industrialisés. Il souhaiterait que le législateur s’inspire du Community Reinvestment Act (CRA) américain qui définit toutes les obligations de tous les acteurs de la communauté financière. Il suggère à ce titre un système dans lequel tous les établissements financiers seront  impliqués par le biais d’une contribution directe ou indirecte.

 

§ Defaisance – Au terme de 3 années d’enquête, la Cour des comptes a estimé entre 134 et 144 milliards de francs le coût du sauvetage public du Crédit Lyonnais, du GAN, du Crédit Foncier et du Compteur des entrepreneurs. Elle dénonce la coûteuse cavalerie budgétaire déployée par l’Etat dans ses structures de défaisance, afin de ne pas accroître son déficit budgétaire. Maastricht oblige. La défaisance consiste à transférer les mauvais actifs vers une nouvelle structure (dite structure de cantonnement) et d’en assurer le financement par une autre structure pouvant être un établissement public, ce qui permit d’extraire, en l’occurrence,  les pertes des entreprises en difficulté sans en afficher le montant. Par exemple, la première défaisance du Comptoir des entrepreneurs passait par le Luxembourg et Jersey et coûta 250 millions de francs. en honoraires des banques conseils.  

 

§ Protectionnisme - Le rapport 2001 de la Banque mondiale sur «  les perspectives économiques mondiales et les pays en développement »  déplore que les pays les plus pauvres du monde n’aient pas profité de l’ouverture croissante de l’économie mondiale en raison des quasi-protection-nismes des pays riches à leur encontre. Le rapport souligne notamment les tarifs douaniers sur les produits agricoles qui leur sont appliqués (plus de 100 % sur la viande, les produits laitiers, 180 % sur les fruits et légumes au delà de la limite du contingent en Union européenne) par rapport aux importations des autres pays.

Il estime également que les sanctions commerciales subies par les pays du tiers-monde pour non application des normes fondamentales du travail (liberté d’association, abolition de l’esclavage et du travail des enfants) peuvent constituer un protectionnisme déguisé qui risque d’aller à l’encontre du but fixé, car il limite « l’accès des pays en développement aux marchés internationaux sans les aider à améliorer le bien-être ».

 

§ Compétitivité - Productivité -  Selon une étude de l’Institut suisse MD International, la France, 5e pays du monde pour la productivité du travail, ne serait plus que 19e relativement à sa compétitivité globale.

Pour déterminer la compétitivité globale des pays étudiés, MD International a considéré et pondéré 290 critères d’environnement des entreprises, environnement fiscal, politique, formation – enseignement, efficacité des managers, dynamisme des marchés financiers, qualité de vie.

 

Compétitivité des pays

en indice

Productivité du travail

PNB heure/salarié en $

1e Etats-Unis

100

3e  Etats-Unis

32,60

3e Finlande

80,87

13e Finlande

27,91

4e Pays Bas

79,47

10e Pays Bas

29,10

6e Luxembourg

76,64

1e  Luxembourg  

38,14

19e France

68,29

6e France

32,35

20e Belgique

65,68

2e Belgique

36,85

 

§ Créances douteuses – D’après la FED, les banques non américaines, notamment européennes détiendraient 40 % des crédits syndiqués accordés aux entreprises américaines (Société Générale 30 %, ABN Amro 27 %, Crédit suisse 24 %, Crédit Lyonnais 21 %, BNP Paribas 20 %).

Parmi ces crédits, le volume de créances douteuses serait en augmentation. En cas de ralentissement économique, les « pertes potentielles seraient étalées sur quelques années », selon l’analyste financier J.P. Morgan. D’autres risques sont mis en évidence en Turquie, Argentine et dans le secteur des Télécommunications.

 

§ L’équation de Sautter – En physique, l’équation E = 1/2 mv 2 calcule cinétique d’un corps en mouvement comme la moitié du produit de la masse par le carré de la vitesse. L’ancien ministre des finances Christian Sautter s’en est inspiré dans un récent ouvrage collectif du Cercle des économistes * pour démontrer que la force vive (le dynamisme ou l’énergie) d’un pays est égale à la moitié de sa masse (son PIB) par le carré de sa croissance, soit 1/2 PIB x taux de croissance.

Avec ce calcul, la Chine serait devant les Etats-Unis bien que son PIB soit le plus important du monde. Par ailleurs, la France est devancée par la Turquie et l’Irlande. 

 

§ Patrimoine – Le patrimoine des Français a augmenté de 6 % en 2000 (contre 7,9 % en 1999) pour atteindre 30.786 Mds.F. (513.000 F. environ par Français). Leur patrimoine financier s’est accru en valeur de 6,2 % (11,9 % en 1999), et non financier de 5,7 % (4,7 % en 1999).

Les épargnants français ont maintenu un flux de placements financiers supérieur à 600 Mds.F et consacré 10,2 % de leurs revenus à ceux-ci. L’investissement réel des ménages s’est élevé en 2000 à 9 % de leur revenu disponible. Toutefois leur endettement s’est accru en crédit immobilier et en crédit à la consommation pour atteindre 3323 Mds.F, soit 54,8 % de leur revenu disponible (ou environ 55.000 F par français) contre 3036 Mds. F en fin 1999.

 

§ Métiers – Les compagnons du Devoir forment, avec l’Union compagnonnique et la Fédération des métiers du bâtiment, 7600 jeunes apprentis. Ils ne couvrent cependant, approximativement, que 1 % de l’ensemble des apprentis des CFA (370.000) et des lycéens de LEP (786.000).

Néanmoins, l’un des responsables compagnonniques, Bruno Aubry, resitue le sujet : « Notre rôle est de défendre les métiers, et non d’en faire des voies de garage. Nous n’avons pas vocation à résoudre les problèmes sociaux de la jeunesse, ou les problèmes de pénurie de main d’œuvre des entreprises, mais à expérimenter des modes de formation qui permettront aux métiers de continuer à vivre ».

Outil traditionnel de formation des artisans depuis le Moyen Age, le compagnonnage prévoit, pour tout aspirant, un Tour de France qui doit lui permettre d’acquérir les bonnes pratiques professionnelles. Mais actuellement, le nombre de compagnons, dotés d’un emploi, qui enchaînent  sur un Tour de France, est fortement en diminution. Pourtant cette expérience est humainement enrichissante, permet de progresser, d’aller vers les autres et de croiser de ville en ville des cultures différentes. Les compagnons forment des jeunes gens dans 21 métiers dont nombre connaissent des pénuries de main-d’œuvre, bâtiment, hôtellerie, mécanique.

Les Compagnons du Devoir veulent que les métiers puissent s’adapter à la nouvelle révolution technologique. Ils organisent une exposition du 8.12.2000 au 31.05.2001 qui retracera l’histoire de leur organisation à travers les âges : Place Saint Gervais 75004 Paris, . Tél : 01 42 74 43 97

 

 

45 – octobre 2000

 

L’euro, le SMI et les monnaies d’ancrage.

 

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L’euro a traversé ces dernières semaines plusieurs phases dépressives. Le 26 octobre 2000, il valait 0,8230  dollar sur le marché des changes, soit depuis sa création le 4 janvier 1999, moins 28 % de sa valeur par rapport au dollar, moins 30 % vis à vis du Yen, et moins 20 % par rapport à un panel de 36 monnaies. 

Cette baisse relativement continue de l’euro permit aux adversaires de la monnaie unique ou à ceux de la politique menée par la Banque centrale européenne (BCE), comme aux partisans d’une déréglementation plus intensive, de développer leurs critiques.

 Souvent contradictoires, celles-ci occultent des repères fondamentaux, sur lesquels pourrait reposer un nouvel ordre monétaire.

 

L’euro et le commerce intérieur européen

En effet, accuser le Président de la BCE Wim Duisenberg de la responsabilité de tous les malheurs de l’euro, comme les font les politiciens, pour une fois unis par la démagogie, fait abstraction d’une réalité commerciale évidente : Avant l’euro, chaque pays européen prêtait attention aux fluctuations de sa monnaie face aux devises des autres pays européens avec lesquels il commerçait pour près des 3/4 de son commerce extérieur. Or, la situation diffère totalement aujourd’hui puisque “ la zone euro est moins ouverte que les différents pays qui la composent ”1, de sorte que les turbulences monétaires ne concernent plus qu’un volume d’échanges égal à 30 % des échanges extérieurs antérieurs des pays de l’Union Européenne  (UE) avec le reste du monde. 70 % des échanges extérieurs des pays de l’UE sont intra-européens et ne subissent dorénavant aucune fluctuation à la baisse comme à la hausse. Ce n’était pas le cas avant 1999..

Par exemple, avant l’instauration de l’euro, la valeur du deutschemark passa de 3,47 francs le 26 février 1985 à 1,97 franc le 31 décembre 1987, pour remonter à 2,03 francs le 14 janvier 1989, redescendre à 1,44 franc le 11 février 1991 remonter à 1,79 franc le 14 juin 1991, redescendre encore à 1,39 franc le 2 septembre 1997 et remonter à 1,66 franc le 9 mars 1993 2. Ces continuelles fluctuations étaient assurément trop rapprochées pour refléter avec sincérité et exactitude les économies nationales concernées.

 

Monnaie unique et monnaie commune

Il convient d’ailleurs de souligner qu’une monnaie commune n’aurait pas davantage interdit ces fluctuations puisqu’elle aurait permis, comme le demandaient ses partisans, “ un système de parités fixes dont la fixité  (aurait pu) être modifiée au cas par cas, par le biais des dévaluations ou des surévaluations pour tenir compte des déformations structurelles ” 3. Une monnaie commune permettrait des politiques monétaires autonomes au sein des pays de l’UE , mais le maintien de taux de changes fixes exigerait de limiter les échanges intra européens de biens et de capitaux en droit. Ces partisans occultent cette exigence de la monnaie commune à l’époque du commerce électronique transfrontalier.

Il n’est, en effet, pas possible de faire coexister une libre circulation des capitaux, des taux de changes fixes et des politiques monétaires autonomes, ce que démontra le prix Nobel d’économie 1999 Robert Mundell.

 

 

A l’origine de la monnaie unique : le triangle des incompatibilités

L’instauration de la monnaie unique - qui prit le nom d’euro - fut préférée à une monnaie commune afin de privilégier la libre circulation des capitaux à l’intérieur de l’union européenne, par la fixation définitive des taux de changes qui permit de supprimer les coûts de transaction et de variation des cours.

Avec une amélioration du volume d’activité et d’échanges de l’Union européenne, l’euro pourrait alors graduellement devenir l’une des principales monnaies du commerce international, et être à l’origine d’un nouveau système monétaire international. En effet, le dollar est utilisé dans plus de 50 % des échanges extérieurs et constitue 65 % des réserves de change des Banques centrales du monde, alors que les Etats-Unis ne couvrent que 32 % du PIB de l’OCDE contre 38 % pour l’Union européenne.

Robert Mundell  avait démontré, avec son triangle des incompatibilités, que dans un espace commun, il ne peut y avoir  simultanément une libre circulation des capitaux, des taux de changes fixes et des politiques monétaires autonomes. En effet, quand les Etats membres  pratiquaient le contrôle des changes, qui en France, atteignit son apogée en mars 1983, il était possible de maintenir des taux de change fixe entre les monnaies européennes tout en préservant une autonomie modérée des politiques monétaires des Banques centrales nationales. Mais, avec la suppression progressive du contrôle des changes qui devint définitive en France en fin 1989, il fallut remettre en cause ce choix. Les Européens abandonnèrent l’idée d’autonomie des politiques monétaires en signant le traité sur l’Union européenne de Maastricht de 1992, qui consacra le principe d’une Banque centrale européenne (BCE).

 

Par ailleurs, le Traité de Maastricht sur l’UE dispose dans son article 109 que la politique de change de la BCE revient au Conseil des ministres des finances des Etats membres (Ecofin) chargé de fixer la parité externe de l’euro sur les marchés étrangers, tandis que la BCE fut chargée de la mettre quotidiennement en œuvre.  Mais l’expérience prouve, notamment pour la Banque de France (BDF) depuis 1993, que les Gouvernements n’usent pas de ce pouvoir. En l’occurrence, celle abstention peut s’interpréter comme une carence du politique.

C’est pourquoi, les autorités monétaires des Etats-Unis, du Japon, du Royaume Uni et du Canada, en accord avec celles de la BCE, ont procédé à une intervention concertée sur le marché des changes. La BDF rappelle également que “ le dollar a, en outre, atteint au cours de ce mois ses plus hauts niveaux depuis onze ans par rapport au franc suisse (1,7913 FS) et depuis 14 ans par rapport à la Livre sterling (1,4195 £) 4. Ainsi, le cours de l’euro a peut-être fléchi, mais celui du dollar a également grimpé par rapport aux autres grandes devises.

 

Le mythe du marché libre

Enfin, les mouvements de baisse de l’euro sont interprétés comme la conséquence d’un manque de mesures structurelles. Selon le secrétaire américain au Trésor, Lawrence Summers, ces mesures seraient propres à stimuler l’investissement et la croissance, contribueraient à une croissance mondiale équilibrée et à une économie plus saine, ce dont profiteraient les marchés. Le Gouvernement américain considère ainsi que le moyen de faire remonter l’euro serait que les gouvernements européens s’engagent dans des réformes de structures de leurs économies.

Cette très orthodoxe analyse libérale peut cependant être contestée.

§ Tout d’abord parce qu’il est notoire que la baisse de l’euro a stimulé les exportations européennes (cf. encadré), bien qu’en enchérissant le coût du pétrole, elle contribue à alimenter des foyers d’inflation.

 

 

Bénéfices records des grands groupes industriels.

Les grands groupes industriels français, pour la plupart multinationaux, ont profité de la faiblesse de l’euro face au dollar pour exporter. La croissance du marché et la conversion de changes favorables aux importateurs étrangers ont autorisé les bénéfices records des 6 premiers mois 2000. Ainsi, pour LVMH, le taux de l’euro face au dollar a eu un effet positif de 12 % sur son chiffre d’affaires. 20 groupes ont réalisé en 6 mois les mêmes bénéfices qu’en 12 mois de 1999, soit 86,9 Mds.F. France Télécom avec 25 Mds.F de bénéfice sur 6 mois a dépassé de 8 Mds. son bénéfice de fin 1999. Total Fina, avec 22,3 Mds. F égalise son bénéfice annuel 1999. PSA dépasse en 6 mois de 200 millions ses bénéfices 1999, alors qu’il manque 300 millions à Alcatel pour atteindre cet objectif. Schneider, Lafarge, L’Oréal, Casino, progressent également par rapport à 1999 de 20 à 25 %.

§ Ensuite parce que la baisse de la valeur externe de l’euro s’inscrit dans un système dans lequel les monnaies évoluent les unes par rapport aux autres et dont celle qui fut choisie comme instrument d’intervention et d’étalon n’est, elle-même, pas stable. Un système dans lequel l’ancre dérive ne peut assurément pas favoriser la fixité des changes et assainir les marchés.

§ Enfin, et surtout, parce que les marchés ne reflètent pas nécessairement les données fondamentales des économies (croissance, budget, chômage, endettement, inflation), comme l’intoxication médiatique tend à le faire croire.

La baisse ou la hausse d’une monnaie “ ne résultent que d’une confrontation de quelques secondes entre une offre et une demande dont le volume est sans commune mesure avec les masses en présence, elles reflètent davantage les états d’âme des opérateurs, gestionnaires de mutuelles et de fonds de placement, voyant sur leur écran évoluer en permanence la valeur globale des capitaux qu’ils ont à gérer, en fonction des cours du moment 5 ”. Les marchés monétaires ne se stabilisent pas d’eux-mêmes, au contraire ils amplifient les mouvements. Un frémissement à la baisse ou à la hausse engendre la spéculation, la ruée ou la panique. C’est le syndrome du papillon dont le battement d’aile à Tokyo  provoque un tremblement de terre à New York.

Il n’est pas sérieux de prétendre dans ces conditions que le marché décide en fonction des données fondamentales de l’économie. Entre 1980 et 1985 par exemple, le dollar connut des cours extrêmes de 3,90 francs à 11,40 francs, soit un rapport de 1 à 3 5.

 

Monnaie d’ancrage, zones monétaires et euro or.

Il est ainsi particulièrement arbitraire de laisser les groupes de pression  opérant sur le marché décider au nom d’intérêts microéconomiques du taux de change des monnaies.

C’est pourquoi leur valeur, dans un système de changes flottants, est tributaire des mouvements désordonnés et amplificateurs du marché. Cette soumission aux mouvements d’amplification des marchés peut alors créer des lésions que la coopération des Banques centrales, dont les réserves ne couvrent même plus 5 %  du stock financier mondial.,  ne peut pas toujours supprimer.

 

Périodiquement, des voix s’élèvent pour demander le retour à un  système de changes fixes dont l’abandon en août 1971 et la reconnaissance du passage aux changes flottants par les accords de la Jamaïque de 1976, ont largement permis l’accroissement des flux spéculatifs.

 

C’est en ce sens que Robert Mundell défendit une thèse - sans doute hérétique - à Prague le 20 septembre, lors de l’Assemblée annuelle du FMI et de la Banque Mondiale.

Après s’être déclaré optimiste sur l’avenir de l’euro auquel 40 nations seront rattachés à l’avenir, d’une manière ou d’une autre, il estima que le meilleur moyen de retrouver la confiance des marchés était de s’engager collectivement à défendre un niveau plancher de l’euro par rapport au dollar qui pourrait être 0,85 $, ce qui serait interprété plus favorablement que les appels successifs à prendre en compte les équilibres fondamentaux de l’économie.

Puis, il proposa d’utiliser les réserves or des pays membres afin d’ancrer la solidité de l’euro, et de créer par exemple, un euro or sous forme de billets de 100 euros.

L’idée d’un euro convertible en or est cependant contraire aux statuts du FMI issus des accords la Jamaïque, qui plaça les Droits de Tirage Spéciaux (DTS) au cœur du SMI et « interdit de fixer la parité de sa monnaie en or, ce qui était précisément obligatoire auparavant » 6.

Aucun écho officiel ne fut donné à cette proposition qui aurait, en quelque sorte, réhabilité le système d’étalon or afin de rétablir un système de changes fixes.

Seul, Robert Pringle, Président du Conseil mondial de l’or, favorable à cette proposition, souligna que les Etats-Unis ne pouvaient que s’opposer à cette  réhabilitation de l’or qui deviendrait ainsi le concurrent au dollar. Il rappela cependant l’initiative de parlementaires européens prises en 1998 visant à créer un euro en or, proposition restée sans effet à ce jour.

 

Mais surtout, Robert Mundell évoqua la possibilité, souvent évoquée, de création d’un G3, c’est-à-dire la constitution de 3 zones monétaires autour du dollar, de l’euro et du yen, en prenant en compte les 3 zones de richesse économique évaluées respectivement à 5000, 7000 et 5000 milliards de dollars de PIB. Il souligna cependant qu’il est plus difficile de créer un G3 ou un G2 qu’une zone monétaire unique en englobant 11 pays comme l’UE, puisque la convergence économique des pays d’un G2 ou d’un G3 serait moins forte que celle des pays de l’UE.

 

L’eurostable, instrument d’ancrage et de régulation externe.

Une autre idée, dont l’ambition est de créer  ”une unité d’ancrage et de référence internationale qui puisse stabiliser les changes ” afin de préserver la pertinence d’un système de changes fixes sans en subir les contraintes, et notamment celle liée à l’étalon or, fut brièvement présentée dans notre numéro précédent (44). Il s’agissait de l’eurostable ou euroconstant proposé par Jacques Riboud 5.

La première démarche d’un système monétaire à rénover devrait tout d’abord être, selon lui, de dissocier deux régulations monétaires, interne et externe, avec, pour chacune, un instrument approprié. Il proposa alors, afin de dissocier ces régulations interne et externe, lors de la mise en place de la monnaie unique européenne, ma création d’un eurostable – ou euroconstant – dont la vocation serait de devenir l’étalon monétaire recherché depuis l’abandon de l’étalon or.

De tous les systèmes de mesure, en effet, seul le système monétaire n’est pas doté d’une unité de référence indépendante du temps et du lieu.

C’est pourquoi une monnaie d’ancrage ne peut être une monnaie nationale, nominale dont la valeur dépend du temps. A l’inverse, l’eurostable se définit comme un numéraire de transaction externe possédant une valeur réelle indépendante du temps et du lieu, et par conséquent, parfaitement stable, capable de s’échanger contre la monnaie nationale sans effet interne sur l’inflation.

L’eurostable est la forme constante de l’euronominal dont la valeur aurait pu être, par exemple, “ celle de son jour d’origine ” choisi comme point de départ des indices de prix. Elle est donc égale à celle de l’euronominal multipliée par l’indice du prix du jour.

Ainsi, l’eurostable pourrait devenir un étalon de mesure et de référence dont la stabilité en valeur réelle serait matérialisée par sa conversion à vue en euro, au taux de conversion du jour, sans qu’il ne soit nécessaire d’émettre des billets ou des pièces en eurostables.

 

L’eurostable serait créé par la BCE ou par des banques secondaires membres du réseau européen en contrepartie d’euronominaux ou de devises convertibles, acceptées, au cours du jour fixé par la BCE, en fonction des cours sur le marché de l’euro et de l’indice des prix. Mais surtout, et je le souligne, les banques secondaires membres du réseau européen devront en garantir une couverture intégrale en euronominaux ou en devises convertibles, car la BCE ne leur assurera aucun prêt de dernier ressort En l’espèce, la distinction entre monnaie centrale et monnaie de crédit n’aura pas lieu d’être puisqu’aucune création monétaire ex nihilo ne sera possible à l’occasion d’une création d’eurostables. Ils seront ainsi exclusivement émis contre une contrepartie d’équivalence en devises par la BCE et les banques secondaires membres.

 

L’eurostable possédera ainsi toutes les qualités exigées d’un médium de transaction et de réserve international recherché et d’instrument privilégié d’intervention, de compensation et de régulation des banques centrales car il  possédera une parfaite stabilité en valeur réelle. En effet, sa stabilité repose sur le fait que, monnaie exclusivement externe, l’eurostable ne circulera pour transaction sur aucun territoire national entre deux résidents. Il échappera aux contraintes externes d’une monnaie nominale, dont la valeur marchande résulte du solde de la balance des paiements du pays qui l’émet, puisque l’eurostable est une monnaie constante. Il échappera également aux contraintes internes d’une monnaie nominale dont la valeur, ou le pouvoir d’achat, résulte du rapport entre sa quantité et celle de la production, à vitesse monétaire constante, puisqu’il est exclusivement interne.

Il différera ainsi des autres monnaies susceptibles de remplir ce rôle puisque sa circulation dans le xénomarché, ou marché de valeurs étrangères, ne s’accompagnera pas d’un déplacement parallèle en euronominal, à la différence des autres xénomonnaies, ou monnaies courantes non résidentes. En ce sens, l’eurostable ne ferait pas concurrence à l’euro, mais le renforcerait.

 

L’eurostable pourra alors se concevoir comme la monnaie d’ancrage d’une vaste zone monétaire qui pourrait s’organiser à côté d’autres zones monétaires représentatives d’espaces économiques différents, comme le soutient également Robert Mundell. En effet, selon Jacques Roboud, en raison des disparités économiques, mais également sociales et culturelles, entre les régions continentales, une répartition en plusieurs zones monétaires peut sembler préférable à une zone unique internationale. Les monnaies d’ancrage de ces zones  constitueraient les piliers sur lesquels le FMI et les Etats pourront harmoniser les échanges monétaires,  stabiliser les cours. et élaborer les règles d’un nouvel ordre monétaire. Enfin, le traité de l’Union européenne de Maastricht ne s’oppose pas à sa création.. La BCE est ainsi libre d’instaurer l’eurostable pour les relations externes, sans demander l’avis d’un Etat membre.

 

Janpier Dutrieux

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1 : Klaus Friedrich, économiste Dresdner Bank, Le Monde du 21.10.2000

2 : Maurice Allais, Combats pour l’Europe, 1992-1994, Clément Juglar 1997.

3 : Charles Pasqua, L’euro survit, le franc doit vivre, Le Monde du 21.10.00.

4 : Bulletins de la BCE et de la BDF d’octobre 2000.

5 : Jacques Riboud, Un mécanisme monétaire avec l’euroconstant - l’Eurostable. (PUF diffusion, 1996).

6 : Doc Zerah, La monnaie, Poche Références 1996

 

 

L’avenir  du FMI et de la Banque Mondiale

 

Horst Keëhler, successeur de Michel Camdessus à la direction du Fonds Monétaire International (FMI), a présenté lors de son assemblée annuelle les orientations politiques du FMI:

§  Accompagner sans contrer. Le FMI devra accompagner le mouvement des marchés des capitaux et ne pas les contrer, il devra  cependant contenir les risques induits par les mouvements désordonnés de capitaux. Le FMI devra intensifier la vélocité des prêts qu’il consent, et par conséquent favoriser les prêts à court terme, “ ce qui suppose d’exiger un remboursement rapide et le prélèvement des taux d’intérêt élevés pour les prêts importants ”,  

§ Responsabiliser sans assurer. Le FMI souligne que les emprunteurs doivent se responsabiliser en utilisant les fonds qui leur sont alloués et qui sont ceux des contribuables. Il s’agit peut-être là de répondre aux critiques émanant entre autres de la Bundesbank qui soulignait, dans son rapport mensuel du 09/2000, que  le FMI ne devrait pas et ne peut agir comme un prêteur en dernier recours.

§ Améliorer le partage. Le FMI devra permettre un meilleur partage issu de la mondialisation. A ce titre, un partenariat avec la Banque mondiale qui en est le chef de file a été défini. Il épouse les thèses américaines d’une réorientation du FMI et de la Banque mondiale dans laquelle le FMI prêterait exclusivement à court terme alors que la Banque mondiale ne s’occuperait que des pauvres. Le FMI fut critiqué pour ses aides qui ne servirent souvent qu’à compenser les sorties de capitaux dans des situations de crise.

L’objectif reste la réduction de la dette des pauvres, notamment l’initiative HIPC.

 Au delà de cette initiative, il préconise une croissance robuste non inflationniste, une meilleure ouverture des marchés des pays riches aux exportations des Pays en Développement (PED).

Le FMI et les prêts de dernier ressort.

Quel rôle doit jouer le FMI dans la régulation de la liquidité internationale ? Doit-il être préteur en dernier ressort contraint et s’engager à l’occasion des crises à prêter à des pays en panne de liquidités. Ces prêts en dernier ressort contraint furent critiqués et assimilés lors des dernières crises russe et asiatique à des assurances déresponsabilisant les pays concernés.

Pour Michel Aglietta, l’un des pères de l’école de la régulation, et Sandra Moatti 1, les variations erratiques de change pourraient être freinées par un renforcement de la coopération entre les 3 grandes Banques centrales émettrices de l’euro, du dollar et du yen, et la mise à contribution, au moyen d’indicateurs d’alerte, du FMI dont la mission de surveillance serait renforcée. Ils proposent également que le FMI édicte un système de règles auxquelles les pays devraient adhérer pour bénéficier des financements aux meilleures conditions.

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1 : M. Aglietta, S. Moatti, Le FMI, de l’ordre monétaire aux désordres financiers, Economica 2000.

 

§ De son côté, le Président de la Banque Mondiale, Jean Wolfensohn, a réactualisé le 21 septembre les chiffres des inégalités et de nouveau mis en garde contre l’instabilité sociale que crée le fossé entre pays riches et pauvres.

Sur un PIB mondial de 30.000 Mds. de dollars, 24.000 Mds sont produits dans les pays développés, soit 80 %. Le revenu des 20 pays les plus riches est 37 fois plus élevé que celui des 20 pays les plus pauvres. Par ailleurs, dans 25 ans, le nombre d’habitants passera de 6 Mds. à 8 Mds. Ces 2 Milliards nouveaux naîtront dans les pays en développement.

Si la lutte contre la pauvreté et l’allégement des dettes des pays pauvres (initiative HIPC) est l’objectif de la Banque mondiale, sa stratégie est critiquée par de nombreuses ONG, notamment Oxfam. Pour celle-ci, “ il est économiquement ruineux et moralement indéfendable que la Zambie consacre 40 % de son budget pour rembourser les pays riches alors que la malnutrition chronique des enfants pauvres dans ce pays augmente et que 73000 par an meurent avant l’âge de 5 ans ”.

Après réduction des dettes par le projet HIPC, les paiements du Zambie représenteront encore 40 % des revenus de l’Etat, 25 % au Cameroun, en Guinée, au Sénégal.

 

Allocations et emploi

 

« L’indemnisation du chômage ne pénalise pas l’emploi »  est la conclusion d’une étude de Vincenzo Spieza 1.

2 théories expliquent la persistance du chômage par les allocations données.

La première dispose que les travailleurs au chômage recevant des allocations sont moins incités à rechercher du travail,.

La seconde soutient que le niveau de ces allocations incite les chômeurs à demander des salaires plus élevés (théorie du salaire d’efficience). Ceci expliquerait la différence des taux de chômage européen et américain.

Or, des travaux de terrain démontrent l’inverse, paradoxe qui repose sur une confusion des modes de gestion :

- L’assistance chômage offre des prestations illimitées dans le temps à condition d’être sans emploi et de disposer d’un revenu inférieur à un seuil fixé . L’assistance est financée par un impôt sur les salariés et les entreprises ? proportionnel au nombre de chômeurs.

- L’assurance chômage est un transfert de revenu dans le temps des actifs pour s’assurer contre les risques de perte de leur emploi. Ce régime est largement autofinancé. L’assurance ne secourt pas tous les inactifs et reste limité dans le temps.

Comme les indemnités d’assurance varient dans le temps et sont fonction des cotisations antérieures, les chômeurs qui ne bénéficient pas des conditions optimales accepteront plus facilement de travailler à des conditions plus modestes.

Le paradoxe des assurances chômage est là : Les prestations versées ont tendance à faire baisser les salaires, tandis que le coût de financement du régime les pousse dans la direction opposée.

 

 

En fait, les fonds publics susciteraient une augmentation des salaires qui affaiblirait la demande de main d’œuvre, alors que les cotisations  n’affecteraient ni l’un ni l’autre.

V. Spieza constate ainsi que la réduction des indemnités de chômage n’améliorait pas l’état du marché du travail. Les pays peuvent continuer à offrir le même niveau  d’indemnisation à condition de faire en sorte que le régime appliqué soit moins tributaire des recettes publiques et davantage autofinancé par les cotisations. Par ailleurs, l'assistance doit être maintenue pour inclure tous ceux qui ne sont pas couverts par l’assurance.

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1 :  Vincenzo Spieza, La revue internationale du travail, n°1- vol.139.2000 publiée par le BIT.

 

 

 FRAGMENTELLES

 

§ Chèques payants et rémunération des dépôts à vue. Les comptes sur livrets offrent des taux d’environ 3 %. Le taux du livret A est remonté à 3 % le 1er juillet. Le livret bleu du Crédit Mutuel, le Codevi et le Compte Epargne Logement (CEL) sont passés de 2,25 % à 3 %, le livret d’Epargne Populaire (LEP) à 4,25 % et le  Plan Epargne Logement (PEL) à  4,50 %. Les comptes sur livret atteignaient 1778 Milliards de francs en juillet 2000 et les dépôts à vue 1968 Mds. F.

La rémunération des dépôts à vue (comptes courants) est interdite en France par un règlement du Comité de la réglementation bancaire et financière (CRBF), mais autorisée par le Conseil européen et appliquée par la concurrence. Cette réglementation fut quelque peu abandonnée depuis le 4 janvier 1999, jour de naissance de l’euro. Les établissements financiers multiplient des produits d’épargne rémunérés joint à un compte à vue (Cortal, BNP Paribas, Carrefour-Pass). Certains commer-ciaux estiment qu’une rémunération des comptes courants serait un bon produit d’appels, cependant la moyenne de rémunération en France est de 0,5 % l’an.

 

 

§ Un enseignement trop formaliste L’enseignement de l’économie fait depuis plusieurs mois l’objet de critiques et pétitions émanant de nombreuses écoles supérieures, étudiants d’abord puis enseignants. Il lui est reproché une trop forte formalisation mathématique quasi schizo-phrénique, et une domination quasi exclusive du courant néoclassique libéral.

Le ministre de l’Education nationale Jack Lang, prenant acte, a demandé à Jean-Paul Fitoussi, notamment Président de l’OFCE, un rapport sur l’enseignement supérieur de l’économie dont est dénoncé “ le caractère trop formaliste ”. A noter que J-P Fitoussi reste attaché à l’économie politique.

 

§ Bénéfices records des Banques françaises. Quoiqu’il en soit, les Banques françaises ont enregistré des bénéfices records pour le 1e semestre 2000, soit près de 7 Mds. d’euros pour 7 établissements.

 

Bénéfices bancaires pour le 1e semestre 2000

Banques

en millions d’euros

D en %

BNP Paribas

2594

+ 60,5

Société Générale

1635

+ 28

Crédit Agricole

1399

+ 22

Crédit Lyonnais

552

+ 129

DEXIA

514

+ 19

CICF

296

+ 30

CIC

201

+ 147

 

Démocratie .  Le quinquennat a été approuvé le 24 septembre 2000 par 18,59 % du corps électoral, soit avec :

 

Inscrits

100 %

 

Votants

30,32 %

Absention

69,68  %

Blanc/Nul

  4,9    %

Exprimés

25,42  %

Oui

18,59   %

Non

  6,82  %

 

 Rappelons pour mémoire que le 5 mai 1946, la première proposition de Constitution de la IVe République fut refusée avec 37 % de oui par rapport aux inscrits. Par contre, la seconde proposition fut adoptée avec 36 % de oui par rapport aux inscrits, et la Constitution promulguée le 27 octobre 1946. (cf. Dutrieux, Les ouvriers de la 11e heure, note 108).

 

§ Conséquences des chutes du Nasdaq.  L’indice Nasdaq est tombé à 3229,57 points le 25 octobre 2000, soit moins de 20 %  par rapport au 1e janvier et 36 % par rapport à son sommet du 10 mars. Cette chute s’explique notamment par celle de l’action Nortel de 30 % consécutive à la réaction des marchés face à la moindre progression  de son chiffre d’affaires de 90 % contre les 110 % prévu.

Les baisses de ces cours s’expliquent par le fait que les investisseurs étaient prêts à payer un titre 50 fois de bénéfices estimés car ils tablaient sur une rentabilité sur fonds propres de 35 %. Puis ils s’aperçurent qu’ils surpayaient une croissance que n’était pas tenable et une rentabilité qui allait s’éroder (F.H. Wojcik (CCR Gestion). La chute des valeurs technologiques se transmit alors aux titres bancaires.

Depuis plusieurs mois, leurs autorités de tutelle les mettent en garde contre les volumes élevés de crédits aux opérateurs de téléphone – notamment pour financer l’achat de licences UMTS. Ainsi, une éditions interactive du Wall Street Journal faisant état de rumeurs sur la mauvaise qualité des créances de plus d’un milliard de dollars que la Deutsche Bank détenait sur l’opérateur américain Mainstream PCS Holdings provoqua un mouvement de panique. Dans ce cas, les actionnaires peuvent prendre peur, et la réaction du marché être imprévisible.

De nombreuses banques sont engagées vis à vis de sociétés du secteur des télécommunications. La Banque européenne la plus touchée serait le Crédit Suisse dont le titre a perdu 11,9 %. Le mouvement n’a pas épargné les banques françaises, la Société Générale a perdu 9,71 %, la BNP Paribas 6,9 %, et le Crédit Lyonnais 6,14 %. Instruits de l’expérience de la crise russe, la Société Générale a indiqué que le secteur des télécoms couvrait 3% de son encours de crédit, 4,3 % au Crédit Lyonnais.

 

§ Prix Nobel. Le prix Nobel d’économie 2000 a été décerné à James Heckman et Daniel Mc Fadden, économistes américains, pour leurs travaux en microéconométrie. Cette discipline alliant microéconomie et statistique permet d’appréhender le comportement des firmes, des ménages et des individus face à différents choix sociaux (travailler, étudier, voyager, s’installer, etc).

Les travaux économétriques de James Heckman associent intimement micro-économie, statistique, sociologie et psychologie pour analyser le comportement des agents.

Exemple : Un ouvrage de R. Herrnstein et C. Murray (1914) soutient que la disparité des QI explique les classes sociales et les revenus aux Etats-Unis, et que le QI est héréditiaire, ce qui explique l’échec des politiques de formation.

Un programme de James Heckman souligne inversement la multiplicité des aspects de l’intelligence humaine, alors que la mesure du QI peut être manipulée et modifiée par l’éducation.