Edito 06.2004 :

 

 

Vers quelle réforme du FMI

 

1- Le FMI, pourquoi faire ?

Après la seconde guerre mondiale, la reconstruction des pays européens ravagés exigeait de dégager d’importants moyens financiers alors que les économies nationales et le commerce international s’étaient restreints. Comme après la première guerre mondiale, les réserves d’actifs financiers externes, en or et devises,   des banques centrales des pays européens s’étaient considérablement réduites. En fait, les Etats-Unis, détenteur des 3/4 de l’or mondial, étaient le seul pays à pouvoir accepter la convertibilité de leur monnaie en or.

Dans l’intention d’établir des conditions durables d’échanges et de relancer l’économie mondiale, les accords issus de la Conférence monétaire et financière de Bretton Woods, du 1er au 22 juillet 1944, instaurèrent un système monétaire international (SMI) soutenu par un ensemble d’organismes internationaux de régulation et de coopération avec le Fonds monétaire international (FMI) et la Banque mondiale.

Deux plans d’organisation furent présentés à Bretton Woods, le premier par J. M. Keynes pour le Royaume-Uni, le second par Harry D. White, sous secrétaire d’Etat au Trésor américain, pour les Etats-Unis. Le plan de Keynes apparut moins réaliste aux 45 pays participants. Un plan français existait également, inspiré par Jacques Rueff. Mais le sous secrétaire d’Etat au Trésor, Pierre Mendès-France se consacra à la défense de la place de la France dans le plan White car les Américains firent vite comprendre aux participants qu’ils devaient signer ce plan s’ils voulaient bénéficier des crédits. Le plan White prévoyait également que dans un délai de conq ans les pays signataires mettent fin aux contrôles des changes et aux discriminations commerciales. Ainsi les Etats-Unis, dont les coffres de la FED regorgeaient, à Fort Knox, de l’or des pays belligérants, poussaient leur avantage en imposant le libre-échange et en favorisant, pour un temps, la stabilité des changes.

Le plan de Keynes supposait un véritable pouvoir d’émission de liquidités internationales, notamment en or avec le « bancor ». Le bancor était défini par un poids en or ajustable capable de corriger les effets de la déflation et de l’inflation. Mais les moyens techniques de l’époque ne permettaient pas de faire circuler cette unité monétaire comme l’exigeait son rôle d’instrument de transaction internationale. Il ne pouvait être qu’un instrument  d’échanges entre Banques centrales capable de répartir les revenus disponibles afin de défendre les parités de change des monnaies adhérentes du système. Le bancor de Keynes ne fut pas retenu, et le plan de White fut adopté. Il fut à l’origine du système monétaire international de changes fixes.

C’était en effet un système de changes fixes dans lequel chaque monnaie avait une parité définie en or et en dollar. Dans ce système, le dollar, indexé sur l’or à hauteur de 35 dollars  l’once d’or - mesure qui équivaut à 31 grammes d’or - depuis janvier 1934, devint la seule monnaie internationale. Chaque Banque centrale était tenue d’intervenir pour maintenir le taux de change de sa monnaie. Mais cette convertibilité du dollar en or fut supprimée le 15 août 1971 par le Président Nixon afin de limiter la fuite de l’or consécutive au financement de la balance des paiements des Etats-Unis.  Ce fut la fin de ce système de taux de change fixe qui fut entérinée par les accords de la Jamaïque de 1976 au profit d’un système de taux de changes flottants. Depuis l’or est démonétisé, mais le dollar demeure toujours prépondérant dans les échanges mondiaux, bien que l’euro naissant puisse le concurrencer à terme.

·       Le Fonds monétaire international (FMI) reçut, pour sa part,  pour mission de promouvoir la coopération monétaire internationale, de favoriser le commerce international, de maintenir des régimes de change ordonnés, d’aider à établir un système multilatéral de règlement des transactions, de mettre temporairement ses ressources à la disposition des Etats membres au nombre de 182, enfin de réduire les déséquilibres des balances de paiements de ceux-ci. Chaque pays membre de ce Fonds souscrivait un quota, partie or, partie en monnaie nationale, qui déterminait sa capacité d’emprunt et ses droits en son sein.

·       Depuis 1969, des Droits de Tirage Spéciaux (DTS) lui servent d’unité de compte et d’actif de réserve international. Initialement rapportés à l’or,  ils furent après 1974 redéfinis par rapport à un panier de monnaies qui fait l’objet d’une révision quinquennale. La valeur du DTS était en fin 2000 de 10,01 francs (1, 53 euro). Les DTS permettent également au FMI d’ouvrir des lignes de crédit et d’offrir des garanties de prêt d’un pays excédentaire à un autre déficiataire. Un comité intérimaire, créé en 1974, conduit à présent la politique du FMI. C’est la seule instance mondiale dans laquelle, à côté des pays industrialisés, sont représentés des pays en développement et en transition.

·       La Banque mondiale est une autre création des accords de Bretton Woods.  Elle est constituée principalement de la Banque d’Investissement pour la Reconstruction et le Développement (BIRD), de l’Association Internationale pour le Développement (AID), de la Société Financière Internationale et de l’Agence Multilatérale de garantie des investissements. Créée à l’origine pour reconstruire l’Europe ravagée, elle oriente dorénavant ses missions vers les pays en voie de développement.

 

La thèse deD.H. White était-elle plus réaliste ?

 

Un ouvrage récent (Treasonable doubts, University of Kansas Press) relate que H.D. White était en fait un honorable correspondant du NKVD, l’ancêtre du KGB. Selon son auteur, Bruce Craig qui eut accès aux archives du KGB, White aurait transmis des informations confidentielles aux soviétiques (ces faits étaient connus auparavant par quelques érudits). Son correspondant aurait été un certain Chechulin, nom de code KOLTSON, qui aurait participé à la négociation de Bretton Woods au sein de la délégation russe.

White, sans être tout à fait espion, considérait que l’URSS était le pays dont il fallait s ‘assurer la collaboration, même au prix de la trahison. White fut convoqué par le comité des activités anti-américaines le 13 août 1948. Il décèdera trois jours plus tard, emportant son secret.

 

2- Qui dirige le FMI ?

L’Espagnol Rodrigo Rato a été élu directeur du FMI en mai 2004 ; Ol assurera la direction de son Conseil d’Administration.

Les pays membres du FMI disposent d’une quote-part qui détermine leur cotisation. Ces quote parts fondés sur un calcul à cinq équations prennent en compte le PIB, le degré d’ouverture des économies, leur stabilité face aux mouvements des capitaux et les réserves de change.

Dans ce système, 8 pays peuvent occuper un siège à part entière : les Etats-Unis, premier actionnaire avec 17,14 % des droits de vote suivi du Japon, de l’Allemagne, de la France, du Royaume-Uni, de la Chine, de la Russie et de l’Arabie Saoudite.

Les 176 autres pays membres du FMI sont réunis en  16 groupes dont le représentant siège au conseil d’administration. Si ces quotas étaient assurés en fonction du volume du PIB de chaque pays, la Corée du Sud disposerait de davantage de droits, par exemple, que l’Arabie Saoudite. Pourtant, cette dernière a des droits de vote qui lui sont 4 fois supérieurs.

 

De nombreux projets de réforme de ce système de quotas échouent les uns après les autres. Les Américains et les Européens s’unirent pour refuser la révision des droits des pays émergents dont le poids augmente dans l’économie mondiale.

Par ailleurs, les Américains ont imposé que toute décision soit prise à une majorité de 85 %.  Ils possèdent donc, avec 17,14 % des droits, un pouvoir de veto.

Il n’en reste pas moins que si les droits de vote étaient attribués en fonction du poids relatif de chaque pays membre dans l’économie mondiale, la nouvelle répartition donnerait plus de pouvoir aux pays riches et moins aux pays pauvres. Théoriquement, la révision des quotas a lieu tous les 5 ans, mais en 2003, aucune révision ne fut prise. De surcroît, selon les Américains, les Européens disposent d’un « pouvoir disproportionné » avec 25 % de parts quand les Etats-Unis n’en ont que 17 %.

De nombreux pays qui disposent d’importantes réserves de devises, comme la Chine, seraient pourtant prêts à augmenter leurs pouvoirs, mais les pays les plus gros prêteurs ne le désirent pas, de crainte que leurs droits ne se réduisent.

 

Actionnaires du FMI

Répartition des droits en  %

Etats-Unis

17,14

Japon

6,15

Allemagne

6,01

France

4,96

Arabie Saoudite

3,23

Chine

2,95

Russie

2,75

                                                           source FMI

 

3- De quelques raisons de l’immobilisme

Selon Daniel Cohen (Le Monde, 15 et 21/04/2004), le FMI devrait être en mesure de se poser en prêteur en dernier ressort lorsqu’il estime qu’un pays subit une crise de confiance. Mais les Etats en difficulté paient des primes de risques de plus en plus élevées et leurs titres deviennent pour les traders des sortes de « junk bonds » (obligations pourries) qui alimentent la spéculation sur les marchés

Les bailleurs bilatéraux ne font pratiquement plus que des dons pour financer des projets de développement alors que les bailleurs multilatéraux restent les seuls à leur accorder des prêts pour les aider à couvrir leur budget. C’est l’inverse qu’il faudrait faire : accorder des prêts pour des projets d’investissement, et consentir épisodiquement des dons pour pallier le manque de recettes fiscales.

Par ailleurs, en face des problèmes de surendettement de certains pays , la création d’un véritable tribunal de faillite international fut suggérée par le n°2 du FMI. Mais les Etats-Unis ne veulent pas entendre parler de cours supranationales ayant préséance sur leurs juridictions intérieures. De plus, toute modification des statuts du FMI doit être ratifiée par le Congrès américain.

Ainsi, la question est de savoir aujourd’hui, en l’absence d’une monnaie internationale, comment le FMI pourrait encore réguler l’économie mondiale et éviter les crises financières.

 

4 - Une réforme globale.

En vérité, les institutions issues de Bretton Woods instaurées dans un contexte d’après guerre et dans une situation économique internationale particuliers sont devenues obsolètes   Elles nécessitent d’importantes révisions, davantage de coopération et de démocratie.

Dans notre page Libre échange et protectionnisme, nous avons présenté la proposition de chambre de compensation internationale pour recycler les excédents financiers. que fit P. Davidson [1]. Il s’agirait, d’une part,  de créer une monnaie internationale de réserve autour d’une discipline coopérative commune à tous les Etats adhérents à ce système de chambre de compensation. L’adhésion à ce système de chambre de compensation obligerait les pays excédentaires à utiliser leurs excédents financiers pour acheter des biens et services, pour investir ou pour fournir une aide financière à  un autre pays débiteur. Il s’agirait là de rendre l’épargne sociale.

 

Janpier Dutrieux

,juin 2004

 

janpier.dutrieux@worldonline.fr

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[1] - P. Davidson, « Post keynesian macroeconomic theory » (Edward Elgar Publishing 1994), in Bulletin de Chômage et monnaie n°10, février 1998, Richesses des nations et balance des paiements, G. Galand.